« Emplois du temps troués », « cohésion de classe amoindrie »… Les élèves de première réagissent à la réforme du lycée

EDUCATION Une semaine après la rentrée, « 20 Minutes » interroge ses lecteurs lycéens de première pour connaître leur opinion sur leurs spécialités, leur emploi du temps et la mise en œuvre du contrôle continu

Delphine Bancaud
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Des élèves du lycée Maurice Ravel de Paris en 2018.
Des élèves du lycée Maurice Ravel de Paris en 2018. — STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
  • Les élèves de première vivent une rentrée déroutante, en raison du démarrage de la réforme du lycée.
  • La découverte des spécialités s’avère parfois décevante. Les emplois du temps, parfois mal ficelés, semblent cristalliser les mécontentements.
  • Le fait de ne pas être constamment en cours avec les mêmes élèves déplaît à de nombreux lycéens qui ont répondu à notre appel à témoins.

Ils sont les pionniers du nouveau lycée. Une semaine après la rentrée scolaire, les élèves de première ont déjà des positions tranchées sur la réforme du lycée, qui est en train de se mettre en place dans les établissements. Et force est de constater, en lisant les témoignages de nos lecteurs lycéens qui ont répondu à  notre appel à témoins, que la tonalité est plutôt négative, et qu’il semble régner un certain désordre. Exit les séries S, ES et L. Elles ont été remplacées par des enseignements de spécialités, que les élèves de première ont choisies et qu’ils découvrent en cette rentrée.

Et ce n’est pas toujours une bonne surprise, comme pour Eliane : « J’ai regretté d’avoir pris la spécialité LLCE (Langues, littératures et cultures étrangères). Je ne savais pas vraiment ce que c’était et à la rentrée, quand on m’a bien expliqué en détail son contenu, j’ai été déçue ». Même désillusion pour Maxime : « Je ne suis pas satisfait de ma spécialité Histoire, géographie, sciences politiques, car je ne m’attendais pas vraiment à ce type de programme ». Léa a encore plus de regrets, car elle a dû renoncer à l’un de ses choix : « Je voulais faire Humanité, littérature et philosophie. Mais comme personne d’autre que moi n’avait pris cette spécialité combinée à Maths, physique, chimie, j’ai dû me rabattre sur Sciences économiques et sociales. Or, cette matière ne m’attire pas du tout », se lamente-t-elle. Salma, elle, est plus enthousiaste : « J’ai eu la chance de pouvoir choisir les matières qui me passionnent, étant à la fois scientifique et littéraire ».

« Je me retrouve avec un emploi du temps truffé de trous »

Le jour de la rentrée, de nombreux élèves de première semblent aussi avoir déchanté devant leur emploi du temps, à l’instar de Maud : « Mon emploi du temps est une catastrophe ! Je commence tous les jours à 8h et je finis à 18h avec même des cours le mercredi après-midi ». « Nos emplois du temps sont troués de partout. Résultat : 8h-18h tous les jours », s’énerve aussi Edouard. Et certains élèves, comme Laura, sont obligés de faire du sur-place au lycée : « J’habite loin de mon lycée et je ne peux pas rentrer chez moi sans prendre le train. Et je me retrouve avec un emploi du temps truffé de trous. Ce n’est pas très pratique ». Mais quelques élèves, comme Diane, préfèrent regarder le verre à moitié plein : « Ces heures d’étude, elles vont nous permettre de nous avancer dans notre travail ». Par ailleurs, certaines matières « lourdes » sont dispensées par blocs de plusieurs heures, ce qui risque d’être dur à supporter pour certains, comme Eliane : « L’emploi du temps c’est du grand n’importe quoi, j’ai toujours 2h d’une matière à la suite », s’emporte-t-elle.

Et comme les programmes ont changé et que les éditeurs scolaires ont dû travailler dans l’urgence, il y a eu quelques retards de livraison de manuels scolaires. Comme a pu le constater Enzo : « Nous n’avons pas encore tout les manuels, alors qu’on devrait travailler dessus, c’est dérangeant ». Même situation pour Chloé : « Par conséquent, nous consommons des feuilles de papier pour que les professeurs puissent photocopier les pages d’exercices ». Constance souligne aussi l’urgence de la situation : « Les manuels ne sont toujours pas arrivés et les professeurs ne savent même pas la suite de leur programme après leurs deux premiers chapitres de l’année… »

« La cohésion de la classe est largement amoindrie »

Le fait que certaines classes rassemblent des élèves ayant des spécialités différentes ne fait pas non plus l’unanimité. « L’ambiance de classe est bien différente des années précédentes car nous ne nous voyons pas plus de 6 heures par semaine tous ensemble. La cohésion et l’entraide seront certainement moins présentes que les années passées », redoute Clara. Même sentiment chez Amory : « La cohésion de la classe est largement amoindrie et de nombreux élèves d’une même classe ne se connaissent pas entre eux. Cela rend difficile le fait d’imaginer le travail des délégués qui vont voir certains de leurs camarades seulement 8 heures par semaine », estime-t-il.

Ces mélanges posent un autre problème selon Marie : « Ayant choisi des spécialités à caractère scientifique, je me retrouve avec des personnes ayant pris des spécialités littéraires. Ce qui fait que les niveaux ne sont pas égaux pour les enseignements scientifiques du tronc commun ». « Le concept de classe n’a plus vraiment sa place, puisque nous sommes très rarement tous ensemble », résume Laura.

« Les épreuves du bac arrivent super tôt »

Autre point d’inquiétude pour les élèves : le renforcement du contrôle continu pour obtenir le bac, avec deux sessions de quatre épreuves communes de contrôle continu en première (histoire-géo, deux langues vivantes, enseignement scientifique). « Je trouve cela très anxiogène, car cela nous met dans des conditions d’examen un an avant nos prédécesseurs ». « Les épreuves du bac arrivent super tôt. Ça va être compliqué d’apprendre une partie du programme en à peine quatre mois », renchérit Mathilde. Maïtena semble aussi déjà sous pression : « Je redoute que nous soyons constamment évalués sans avoir le droit à une période de répit autre que les vacances ». Mais Amory tente de se rassurer comme il peut : « Qui dit nouvelle réforme, dit professeurs indulgents. Ils vont donner des consignes d’indulgence ou rehausser les  notes ».

Une impression de flou que les enseignants semblent peiner à dissiper. Louis évoque « des profs désorientés, paniqués, mettant la pression aux élèves ». « Et nous n’avons pas de prof principal car ils sont en grève, donc nous ne recevons ni infos, ni papiers », témoigne de son côté Vincent. Reste à savoir si ce tohu-bohu va s’estomper au fil des semaines…