Abus sexuels dans l'Eglise: Comment fonctionne l'appel à témoignages lancé par la Commission Sauvé?
RAPPORT La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), qui doit dresser l'état des lieux des abus sexuels, rendra ses conclusions fin 2020
- La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), également appelée Commission Sauvé, lance à partir de ce lundi un appel à témoignages pour les victimes et témoins.
- La création de la Ciase avait été décidée en novembre dernier par la Conférence des évêques de France (CEF) après plusieurs scandales d’abus sexuels dans l’Eglise catholique française.
- Constituée de 22 membres, la Commission rendra ses conclusions « fin 2020 ».
EDIT : Alors que la Commission Sauvé, lancée début juin, vient d’annoncer avoir déjà reçu plus de 2.000 témoignages, nous vous proposons de relire ce papier sur le fonctionnement de cet appel à témoignage.
Dresser un état des lieux des abus sexuels, expliquer comment ces affaires ont été traitées par l’Eglise et évaluer les mesures qui ont été prises pour lutter contre ce fléau, c’est le rôle de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), créée à l’automne 2018. Présidée par Jean-Marc Sauvé, la commission, qui a vu le jour à l’initiative de la Conférence des évêques de France, lance, ce lundi, un appel à témoignages auprès de ceux et celles qui ont été victimes ou témoins de violences sexuelles depuis 1950.
Pendant un an, France Victimes, la fédération nationale des associations d’aide aux victimes en France mandatée par la Ciase, va recueillir la parole des victimes et des témoins d’abus sexuels dans l’Eglise. 20 Minutes fait le point sur les travaux de la Commission Sauvé.
Quel est le but de cette commission ? Comment fonctionne-t-elle ?
Cette commission indépendante, mise en place par la Conférence des évêques de France, aura la lourde tâche de faire la lumière sur les abus sexuels commis par des clercs ou des religieux sur des mineurs et des personnes vulnérables depuis les années 1950. « C’est un souhait que l’Eglise elle-même a émis et qu’elle finance pour que la lumière soit faite sur le fléau des abus sexuels dans l’Église catholique de France, qu’il y ait véritablement un avant et un après cette commission indépendante », explique Olivia Mons, porte-parole de la fédération France Victimes, à 20 Minutes.
Présidée par Jean-Marc Sauvé, la commission est constituée de 22 membres, « des historiens, des théologiens, des juristes, des médecins, des sociologues, mais il n’y a pas de victimes ou de religieux dans cette commission », précise-t-elle.
« Le but, c’est d’avoir une idée quantitative et qualitative de ce qui a pu se passer depuis 70 ans dans l’Eglise, de dresser un état des lieux. Ça va passer par plusieurs choses : un appel à témoignages, un questionnaire pour les victimes directes, des auditions de victimes, et enfin, une analyse des archives judiciaires et ecclésiastiques », détaille Olivia Mons. « Pour la première fois, en France, une institution indépendante va lancer, pendant un an, un appel à témoignages sur les abus sexuels », a expliqué à l’AFP Jean-Marc Sauvé, le président de la commission qui doit rendre ses conclusions « fin 2020 »
Comment fonctionne l’appel à témoignages ? Qui est concerné ?
Pour recueillir la parole des victimes ou des témoins d’abus sexuels, la Ciase, en partenariat avec France Victimes, a mis en place un numéro de téléphone spécial (01 80 52 33 55), ouvert 7 jours sur 7 de 9 heures à 21 heures, une adresse mail (victimes@ciase.fr) et une boîte postale. Un dispositif qui doit permettre de « recueillir de premières informations » : « faits », « dates », « traces » etc.
« Ce numéro peut être contacté par toute personne victime directe ou indirecte d’abus sexuels dans l’Église catholique. Ces victimes pouvaient être mineures au moment des faits ou être dans une situation de vulnérabilité », précise Olivia Mons, qui ajoute : « Le numéro peut également être contacté par des témoins directs, c’est-à-dire des personnes qui ont été en contact avec des victimes qui leur ont expliqué ou raconté ce qu’elles ont subi ».
« Les victimes d’abus sexuels dans l’Eglise peuvent avoir subi tout type d’abus : attouchements, viols, violences sexuelles, images pornographiques ou pédopornographiques. Des abus ont été réalisés par un religieux quelle que soit sa fonction. Ça peut être un prêtre, un diacre, une personne consacrée ou quelqu’un qui travaille au sein d’une église. En revanche, ça ne sera pas un laïque, un enseignant qui travaille dans un établissement d’enseignement catholique. On est vraiment sur des mises en cause religieuses », poursuit la porte-parole de l’association.
S’agit-il seulement d’une ligne d’écoute ou les victimes peuvent-elles ensuite être aidées ?
« C’est avant tout une ligne d’écoute de la parole des victimes, mais si les victimes souhaitent être aidées, avoir des informations juridiques, un soutien psychologique, un accompagnement social, nous avons des associations dans notre réseau », détaille la porte-parole de France Victimes qui fédère 132 associations d’aide aux victimes.
En quoi consiste le questionnaire proposé dans un second temps ?
La deuxième étape, c’est un questionnaire anonyme (40 à 50 questions), proposé aux victimes, qui sera « traité par un institut de sondage et analysé par des chercheurs », a précisé Jean-Marc Sauvé à l’AFP. Le questionnaire a été élaboré en concertation avec des victimes et leurs associations.
« A la fin de l’entretien, on pourra proposer aux victimes directes, et uniquement à ces personnes-là, de remplir ce questionnaire. Le but, c’est vraiment d’avoir un témoignage beaucoup plus précis, plus étoffé », indique Olivia Mons.
Comment vont se dérouler les auditions des victimes, la troisième et dernière étape des travaux de la Commission Sauvé ?
Le dernier volet des travaux de la commission, ce sont « des entretiens semi-directifs » (auditions approfondies) auprès de victimes volontaires. L’objectif ? « Analyser plus finement les relations entre la personne abusée et l’auteur, les réticences à parler, la libération de la parole, les réactions des familles et personnes informées, celles de l’Eglise catholique, le traitement fait par l’institution ecclésiale, les raisons du recours au droit ou l’absence de recours au droit de la part de la victime », a détaillé Jean-Marc Sauvé.
Pourquoi les archives de l’Eglise vont-elles être analysées ?
Un recensement des archives des diocèses et des congrégations religieuses a également été lancé ce lundi. Ces derniers vont avoir six mois pour renseigner un questionnaire : le nombre de dossiers pour abus sexuels que leur diocèse ou congrégation a eu à connaître depuis 1950, le type d’auteur, le nombre de victimes ou encore les suites données.
Un travail complété par une analyse plus « fine » des archives dans des diocèses eux-mêmes, éventuellement complétée par une démarche auprès du Vatican. La Ciase entend aussi explorer des archives judiciaires et des archives de presse. « Il n’y a pas de recherche de responsabilité individuelle, mais plutôt d’une responsabilité collective. Cette commission sert à comprendre comment l’institution catholique a réagi, quelle a été sa réponse », conclut Olivia Mons.