Plaque de Xavier Jugelé dégradée: «C'est comme profaner un monument aux morts»

REPORTAGE Plusieurs centaines de policiers se sont réunis silencieusement devant la plaque accrochée pour commémorer la mémoire de Xavier Jugelé, dégradée lors de l’acte 18 des « gilets jaunes ».

Thibaut Chevillard
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Des policiers ont déposé des fleurs devant la plaque accrochée à l'endroit où Xavier Jugelé a été tué en avril 2017
Des policiers ont déposé des fleurs devant la plaque accrochée à l'endroit où Xavier Jugelé a été tué en avril 2017 — Thibaut Chevillard
  • La dégradation de la plaque commémorative dédiée à Xavier Jugelé a sucité une vague d’indignation dans les rangs policiers.
  • Des manifestants ont tagué dessus un symbole anarchiste et ont collé un sticker « action antifasciste ».
  • Plusieurs centaines d’agents ont répondu à l’appel des syndicats et se sont réunies, ce mercredi sur les Champs-Elysées.

Le mari de Xavier Jugelé s’approche du lampadaire sur laquelle est accrochée la plaque lui rendant hommage et dépose une gerbe de fleurs sur le sol. Des policiers le suivent et laissent à leur tour des roses blanches sur le macadam. Ce mercredi matin, sur les Champs-Élysées, plusieurs centaines d’agents sont venues exprimer en silence leur colère et rendre hommage à leur collègue. Samedi dernier, lors de l’acte 18 des « gilets jaunes », marqué par une flambée de violence, la plaque a été dégradée. Des manifestants ont tagué dessus un symbole anarchiste et ont collé un sticker « action antifasciste ».

« C’est inacceptable », lance Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint d’Alliance police nationale. Le syndicat de gardiens de la paix a été le premier à appeler, dimanche, les agents à se réunir en silence à l’endroit même où le capitaine de police a été tué par un terroriste en avril 2017. « Ces gens ne respectent rien, même pas la mémoire des policiers morts pour protéger les citoyens », poursuit-il, dénonçant un « acte ignoble ». Il était donc important, souligne le syndicaliste, que les agents se réunissent afin de « respecter la mémoire » de Xavier Jugelé.

« Qu’est-ce que cela apporte de taguer une plaque ? »

Habitués en temps normal à s’écharper par communiqués interposés, les autres syndicats ont également invité leurs adhérents à se rendre sur la plus belle avenue du monde. « La solidarité s’impose dans ces circonstances. On a touché à un symbole fort, un collègue qui s’est sacrifié pour son pays. Il était donc normal d’être présent, dans le calme », souffle Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative police CFDT. En venant, les fonctionnaires entendaient « manifester leur colère en silence », complète Rocco Cotento, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police-FO.

Le mari de Xavier Jugelé a déposé une gerbe sous la plaque rendant hommage au policier tué
Le mari de Xavier Jugelé a déposé une gerbe sous la plaque rendant hommage au policier tué - Thibaut Chevillard

« On s’en prend aux policiers mais aussi à leur mémoire », s’agace Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa police. Les agents, mobilisés chaque week-end depuis 18 semaines, confrontés à des manifestants de plus en plus violents, « en ont marre d’être agressés. Il faut que cela s’arrête », ajoute-t-il. Avant de s’emporter face à la bêtise des auteurs des faits : « Qu’est-ce que cela apporte de taguer une plaque ? Il faut vraiment être con. C’est comme profaner un monument aux morts. Il faudrait faire connaître l’identité de ceux qui ont fait ça. »

« Il ne faut pas laisser passer ça »

Au milieu des policiers, quelques élus, comme Geoffroy Boulard, maire LR du 17e arrondissement de Paris. « Un capitaine de police a été victime du terrorisme et on a souillé sa mémoire. Il a laissé sa vie pour notre liberté », explique-t-il. Il voulait également montrer sa « sympathie » et son « soutien » aux forces de l’ordre « qui sont en première ligne et qui font preuve de beaucoup de courage semaine après semaine ».


Didier, 73 ans, n’est ni policier, ni élu. Ce parisien a voulu lui aussi « rendre hommage » à Xavier Jugelé, dont il a une photo chez lui. « J’ai été très choqué quand il a été tué et je le suis encore plus en voyant qu’on a tagué cette plaque. C’est un manque de respect, il ne faut pas laisser passer ça », affirme-t-il. Didier pense également à ses collègues « qui doivent être crevés et n’ont plus de vie de famille » depuis le 17 novembre dernier. « C’est infernal. »

« La tournure que prennent les événements me déplaît »

Un peu plus loin, Laurent, 53 ans, tient dans les mains une pancarte sur laquelle il a écrit : « gilet jaune et solidaire des forces de l’ordre ». « Ce n’est pas incompatible », nous explique ce Normand venu à Paris pour « honorer la mémoire d’un homme qui risquait sa vie tous les jours pour la protéger les citoyens ». « Les policiers font leur job, et ils le font bien », assure celui qui se dit « gilet jaune sur le fond mais plus sur la forme ». « La tournure que prennent les événements me déplaît. »

Laurent, un
Laurent, un - Thibaut Chevillard

Un peu avant midi, la foule se disperse. Déjà, les esprits sont tournés vers l’acte 19 des « gilets jaunes ». Sera-t-il aussi violent que le précédent ? « Le dispositif annoncé est énorme, il y aura autant de forces mobilisées que lors de la manifestation du 8 décembre », indique David Michaux, secrétaire national CRS de l’Unsa police. « La préfecture de police et le ministère de l’Intérieur ont mis le paquet », confirme Rocco Contento d’Unité SGP police FO. Avant de conclure : « On ne peut pas se permettre un nouveau couac ».