«Incitation à la haine», «revendications aberrantes»... Nos internautes expliquent pourquoi ils ne soutiennent pas (ou plus) les gilets jaunes
VOUS TEMOIGNEZ « 20 Minutes » a donné la parole aux internautes qui se sont désolidarisés dès le début ou ces derniers jours de la mobilisation des « gilets jaunes »…
- Selon un sondage Odoxa pour franceinfo et Le Figaro publié jeudi, 77% des Français pensent que le mouvement des «gilets jaunes» est justifié. Mais qu'en est-il du quart des Français qui ne le soutiennent pas?
- Revendications anti-écolo, spirale de la violence, manque de solutions... De nombreux internautes ont partagé leurs inquiétudes et critiques vis-à-vis du mouvement qui reste populaire.
Un soutien massif : 77 % des Français pensent que le mouvement des gilets jaunes est justifié, selon un sondage Odoxa pour Le Figaro et franceinfo publié jeudi. Mais cette mobilisation, qui s’est installée dans la durée, préoccupe aussi : 59 % des Français la jugent « inquiétante ». 20 Minutes donne la parole aux Français qui n’adhèrent pas ou plus à ce mouvement et qui s’interrogent sur les revendications et les conséquences de cette mobilisation.
Liberté de circuler… et de penser
Un mouvement populaire, spontané peut-il imposer aux Français qui souhaitent prendre leur voiture d’adhérer à leur cause ? « Dès le départ, j’ai été heurté par ces rassemblements qui me privaient d’une liberté (circuler) et me contraignaient à adhérer, comptant sur ma peur : mets un gilet jaune, klaxonne, donne de l’argent, fais 3 tours de rond-point si tu veux passer… », regrette Nicolas.
Critique partagée par Rafael, choqué par ces signes de solidarité contraints exigés par les « gilets jaunes » : « le mouvement des "gilets jaunes" est désormais anti-démocratique. Il faut montrer sa solidarité en montrant son gilet jaune si l’on veut passer aux ronds-points. Sans ce sésame, outre le fait de rester bloqué, l’on s’expose à des menaces, des injures voire des dégradations sur son véhicule. »
Pouvoir d’achat vs planète
Si ce samedi, la marche pour le climat à Paris pourrait rejoindre la mobilisation des gilets jaunes, certains ne valident pas la grogne contre la fiscalité écologique. « Je suis de sensibilité écologiste et je trouve dramatique que ce mouvement ait renvoyé dos à dos l’écologie et le pouvoir d’achat, car les deux sont liés, tranche Laura*. Quand on aura épuisé les énergies fossiles et que le climat sera encore plus détraqué, quelques centimes de plus sur un litre d’essence ne seront plus qu’une broutille… Il faut que la France amorce sa transition écologique, mais si à chaque fois qu’on prend une mesure écologique, la France est à feu et à sang, c’est sûr qu’on n’y arrivera pas. »
Et cette jeune internaute de pointer la contradiction inhérente à ces revendications : « on n’a pas vraiment l’impression qu’ils ont des solutions à proposer. Ils veulent moins de taxes, plus d’argent, mais aussi plus de service public et on se demande où on est censé trouver tout cet argent (ce n’est pas le rétablissement de l’ISF qui pourra payer tout ça…). »
« J’ai toujours vu dans ce mouvement une addition de cas personnels ("Moi, j’ai du diabète !", "Moi, je suis au Smic", "Moi, j’ai un enfant handicapé") sans une once d’unité. Cela me dérange infiniment. Les "gilets jaunes" disent être le "Peuple". Ils ne sont qu’une foule, c’est-à-dire une addition d’individualités qui ne forme en rien un Tout. Ils disent être le "Peuple" mais ne sont que l’expression de la cause qu’ils défendent et, à ce titre, ne peuvent prétendre représenter quoique ce soit de plus. lls n’ont aucun mandat. En tout cas, ils ne me représentent certainement pas moi », réagit Anne-Charlotte qui explique qu’elle « ne soutient pas et n’a jamais soutenu les "gilets jaunes" ».
Des « revendications aberrantes »
D’autres internautes, qui soutenaient dans un premier temps ce mouvement populaire, ont changé d’avis ces derniers jours, notamment après les décisions du gouvernement de suspendre, puis de supprimer la hausse de la taxe carbone prévue au 1er janvier 2019. « On a eu la suppression de la taxe carburant, rappelle ainsi Franck. Il faut savoir stopper. »
Pour Claire, les revendications ont évolué… mais pas dans le bon sens : « au début, ils visaient l’Etat, maintenant ils visent tous ceux qui ne les suivent pas. C’est tout simplement inadmissible, ils sont allés beaucoup trop loin et eux-mêmes ne savent pas où ils s’arrêteront. La démission du chef de l’Etat ou même de tout le gouvernement ou la dissolution de l’Assemblée n’y changera rien. »
Même scepticisme du côté de Yoan : « depuis une semaine, je ne soutiens plus (ou moins) le mouvement. Sur le fond, il n’y a plus de ligne conductrice mais plutôt des personnes qui demandent individuellement des aides pour leur cas précis, ce qui brouille le message initial. De plus, ces revendications bloquent toute sortie de crise car les propositions ne pourront convenir à l’ensemble des gilets jaunes. Nous avons également vu apparaître des revendications aberrantes comme la destitution du Président, ce à quoi je suis fortement opposé, ou une très forte augmentation du smic. »
« J’ai honte que nous soyons la risée des pays étrangers parce que nous sommes le pays avec le plus d’avantages et de prestations sociales, souligne Emilie. Connaissez-vous un seul pays au monde qui a tous ces avantages et protections ? Je ne suis pas une privilégiée, je suis au chômage mais consciente que je vis en France et non pas au Yémen et que c’est une chance parce qu’il y aura toujours une solution et des aides. »
Spirale de la violence
Enfin, ce qui a beaucoup choqué certains de nos internautes, qui souvent comprennent la colère et les exigences des « gilets jaunes », c’est la violence grandissante du mouvement à Paris comme en régions. « Le dialogue ouvert avec les "gilets jaunes" est de plus en plus difficile, ils se retrouvent enfermés dans leurs propres menaces et la violence justifie la violence : pas de représentant, pas d’auto-critique, menaces entre "gilets jaunes", destruction des symboles de l’Etat », souligne Nicolas. « Je soutiens les "gilets jaunes", mais il ne faut en aucun cas que le mouvement populaire dégénère en guérilla urbaine ou la violence et les dégradations en tout genre sont maîtres, renchérit Julien. La manifestation est un droit, nous pouvons manifester, mais nous ne pouvons pas céder à la violence. Il s’agit d’un patrimoine que nous ont laissés nos ancêtres. »
Pour Axelle, le message est de plus en plus brouillé par les désaccords et la haine : « je ne soutiens plus beaucoup les "gilets jaunes" car ils se boycottent entre eux et ne pensent qu’à retourner le pays ! Bien loin de l’idée de départ qui était de se faire entendre et de donner ses revendications ! Ils censurent les commentaires entre "gilets jaunes", ils attisent la colère et incitent à la haine ! »
Dérive autoritaire
Jusqu’où ira le mouvement des gilets jaunes ? Faut-il en craindre les conséquences pour notre démocratie ? Certains sur Twitter ont partagé le hashtag #Jesuiscitoyen et leur inquiétude pour notre République ce vendredi.
Pour Rafael, le mouvement, confisqué par une poignée d’extrémistes, a pris un dangereux tournant. « Les "gilets jaunes" sincères qui voulaient juste exprimer leur ras-le-bol des taxes se sont fait déborder (et parfois endoctrinés) par ces représentants du peuple auto-proclamés qui sont en fait des personnes qui veulent imposer leurs idées par la violence et la peur ! Si nous nous laissons faire, c’est le totalitarisme et le fascisme qui prendront le pouvoir avec l’aide de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Ne nous laissons pas confisquer notre République ! »
Et Emilie de philosopher : « La France n’est pas parfaite et nous n’aurons jamais de Président ou Présidente parfaits. Tout peut être mis sur la table pour trouver des solutions à améliorer les choses et réduire les inégalités et injustices, mais dans le respect des institutions, de la loi, de l’Etat de droit, dans le dialogue et le respect. »
Plus de quarante mails (pour le moment !), plus de 1.000 commentaires pour ce très riche appel à témoignages… Nous tenions à remercier les internautes qui ont pris le temps de nous envoyer des témoignages longs, argumentés et nuancés sur un sujet particulièrement complexe.
* Le prénom a été changé.