Loi sur la récidive: Des proches de victimes ne veulent plus d'alternatives à la prison pour les récidivistes
REFORME DU CODE PENAL Ludovic Lafay et Julien Fauchère ont rédigé trois amendements pour éviter toute alternative à la prison lorsque le mis en cause a déjà été condamné trois fois…
- Ludovic Lafay, qui a perdu son épouse et sa petite fille dans un accident de voiture. Dans le véhicule se trouvait également la femme de Julien Fauchère, décédée lors de la collision.
- Tous deux veulent faire évoluer la loi sur la récidive. Ils ont rédigé trois amendements pour éviter toute alternative à la prison en cas de récidive.
- Ils suggèrent d’appliquer des peines de prison ferme au bout de trois condamnations à de la prison ferme, introduisant ainsi la notion de récidive générale.
- Les députés LREM ont retoqué leurs amendements.
Depuis de longs mois, Ludovic Lafay et Julien Fauchère remuent ciel et terre pour faire changer la loi. La réforme de la justice, examinée actuellement à l’Assemblée nationale, entend moderniser l’institution afin de désengorger les tribunaux et les prisons. Le gouvernement prône notamment des alternatives à la détention. Une décision que ne comprennent pas les deux pères de famille, plaidant pour des peines de prison ferme au bout de trois condamnations à de la prison ferme.
Leurs vies se sont brisées le 20 avril 2017 sur une route de la petite commune de Gannat, dans l’Allier. Le jour du drame, leurs épouses Séverine et Alice se trouvaient à bord d’une 205. « Deux semaines avant, c’était l’anniversaire de la meilleure amie de ma fille. Il était convenu de les emmener manger au McDo et d’aller faire du cheval l’après-midi. Elles sont parties faire la fête mais elles n’ont jamais vu le moindre cheval », raconte Ludovic, le père d’Angèle, 9 ans.
Une seule rescapée
Une fourgonnette est venue les percuter à l’arrière, à 110 kilomètres/heure en agglomération. Sous la violence du choc, la voiture s’est disloquée contre un arbre. La ceinture de sécurité d’Angèle s’est arrachée, et la fillette est morte sur le coup après avoir été éjectée de l’habitacle. Séverine dans un état désespéré, décédera dans la soirée, quelques heures après Alice. Seule la seconde fillette s’en sortira, après avoir passé trois jours dans le coma.
Le conducteur ayant provoqué le carnage, s’est contenté d’expliquer qu’il tentait d’échapper à une course-poursuite. « Ce jour-là, il aurait dû se trouver en prison », lâche Ludovic. Le jeune homme de 21 ans était loin d’être un inconnu des tribunaux. « Entre avril 2013 et novembre 2015, il a été condamné à dix reprises pour 28 chefs d’inculpation », ajoute le père de famille. La liste est longue : vols, vols aggravés, vols en réunion, vols avec destruction, agression sexuelle sur mineurs de 15 ans, escroquerie, falsification de chèque, conduite sans permis…
Trois amendements pour introduire la notion de récidive générale
« Les deux dernières fois, il a écopé de deux mois de prison ferme et ensuite, six mois. Mais ces peines telles que prononcées n’ont jamais été exécutées ». Le chauffard, placé en détention provisoire après l’accident, a retrouvé la liberté il y a huit mois. « Son permis de conduire ne lui a même pas été retiré », poursuit Ludovic, écœuré. Aujourd’hui, les deux pères de famille, qui ont travaillé avec Julien Borocwzyk, député LREM de la 6e circonscription de la Loire, ont rédigé trois amendements.
« J’ai été touché par leur dignité et le recul qu’ils avaient. Ils ne sont pas animés par un désir de vengeance, ils veulent juste faire avancer les choses sans parti pris », témoigne le député.
« L’idée était d’introduire la notion de récidive générale, qui n’existe pas encore. Et de dire qu’au bout de la troisième condamnation à la de prison ferme, le mis en cause doit être placé en détention. Aujourd’hui, cela n’est possible que dans le cadre d’une récidive légale, c’est-à-dire si l’on a commis les mêmes infractions », expose Ludovic.
« Il faut savoir dire stop »
« Il n’est pas question de se substituer aux juges, ni d’intervenir dans leurs décisions mais de donner un cadre aux juges d’applications des peines », précise Julien Borocwzyk.
« Il ne s’agit pas d’appliquer systématiquement de la prison ferme. Nous ne sommes pas opposés aux alternatives, cela arrive à tout le monde de faire une bêtise. Mais dans des cas comme celui-ci, quand les personnes n’ont que faire des conséquences de leurs actes et ne montrent aucune volonté d’adapter leur comportement, la justice devrait être ferme. Il faut savoir dire stop », enchaîne Ludovic.
Si ses collègues députés LREM ont retoqué ces trois amendements, Julien Borocwzyk entend bien les présenter dans l’hémicycle « d’ici la fin de la semaine », en espérant qu’ils soient acceptés. Quant à Ludovic Lafay, il se dit prêt à continuer le combat… Un certain temps. « Je ne me battrai pas toute ma vie, prévient-il. J’ai 39 ans et je dois aussi avancer, me reconstruire. En tout cas, c’est ce que mes deux anges voudraient »…