Cours en anglais, visas simplifiés... Comment attirer plus d'étudiants étrangers en France?
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR Le Premier ministre, Edouard Philippe doit faire des annonces ce lundi sur le sujet, dans le cadre des rencontres universitaires de la francophonie à Paris...
- Même si la France est le quatrième pays d’accueil des étudiants étrangers, sa bonne place pourrait être remise en cause en raison de la concurrence offensive d’autres pays dans ce domaine.
- Certains verrous, comme la cherté des logements, la lourdeur des démarches administratives, le déficit de cours en anglais, sont à lever pour attirer plus de jeunes étrangers.
- Edouard Philippe doit annoncer des mesures dans ce sens ce lundi.
Si nos universités et nos grandes écoles ne figurent pas toujours dans les classements internationaux, elles attirent chaque année de nombreux étudiants étrangers. En 2017, selon Campus France, ils étaient ainsi 343.000 sur notre sol. Ce qui fait de la France le quatrième pays d’accueil des étudiants étrangers et même le premier pays non anglophone choisi par eux. « Et ce, parce que notre enseignement supérieur de qualité est reconnu dans le monde entier, ainsi que notre art de vivre, notre culture. Et rappelons que le français est la 5e langue la plus parlée dans le monde », souligne Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France.
Fort de ces beaux chiffres, l’Hexagone ne doit pas pour autant se reposer sur ses lauriers : « Tous les pays s’arrachent les étudiants étrangers. Certains voient leur nombre d’étudiants étrangers augmenter beaucoup plus que le nôtre, car ils ont mis en place des stratégies très agressives, explique Béatrice Khaiat. Exemple, avec l’Arabie saoudite qui est passée en quelques années de la 30e à la 13e place en ce qui concerne l’accueil des étrangers. »
Risque de décrochage
L’Allemagne, la Russie, le Canada et la Chine talonnent d’ailleurs la France et marquent notamment des points en ce qui concerne les étudiants originaires d’Asie. « Les étudiants indiens, d’Afrique lusophone, du Moyen-Orient et d’Indonésie sont sous-représentés en France », reconnaît la directrice générale de Campus France. Et avec le Brexit, l’Hexagone a aussi une occasion de rattraper son retard sur la Grande-Bretagne dans ce domaine.
« La France n’est pas au rang auquel elle pourrait prétendre en ce qui concerne l’accueil des étudiants étrangers, étant donné son image positive et la bonne réputation de son enseignement scientifique aussi bien dans le domaine de l’informatique, de l’intelligence artificielle, des mathématiques… », estime aussi Yves Poilane, président de la commission Relations internationales de la Conférence des grandes écoles.
Autre sujet d’inquiétude : entre 2010 et 2015, le nombre d’étudiants avait baissé de 8 %, même si la tendance est repartie légèrement à la hausse ces dernières années. Un décrochage dû notamment à la circulaire Guéant de 2012 qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers de travailler en France après leur cursus. Un mauvais signal envoyé aux aspirants au départ. Preuve que l’attractivité de la France peut chuter brusquement, si l’on n’y prend pas garde. « Les messages négatifs peuvent freiner la mobilité des jeunes », insiste Yves Poilane.
Ouvrir des campus à l’étranger pour accroître sa visibilité
Si la France peut nettement faire mieux, c’est parce qu’elle n’a pas encore fait sauter tous les verrous qui empêchent les étudiants étrangers de prendre leur billet pour Paris ou Marseille. « Selon une étude que nous avons menée auprès 25 000 étudiants étrangers sur l’attractivité de la France, beaucoup se plaignaient de la lourdeur des procédures administratives en France pour obtenir un visa ou faire renouveler un titre de séjour. La cherté des logements était aussi évoquée », indique Béatrice Khaiat.
D’où l’impératif de prendre des mesures dans ce sens. Le Premier ministre Edouard Philippe doit faire des annonces ce lundi sur le sujet, dans le cadre des rencontres universitaires de la francophonie à Paris, a indiqué Matignon. Selon Béatrice Khaiat, la priorité serait de simplifier les démarches administratives des étudiants étrangers : « Il serait utile que les demandes de visa se fassent en ligne et que la liste des pièces demandées aux jeunes soit la même dans chaque pays. Les rendez-vous à la préfecture pour les renouvellements de carte de séjour pourraient aussi se faire sur le Web », estime-t-elle. Un avis partagé par Yves Poilane : « La réglementation en vigueur complique la vie des étudiants étrangers. Il faut simplifier les procédures et vérifier aussi que les directives en ce sens soient bien appliquées sur le terrain », ajoute-t-il.
Pour assurer son rayonnement auprès des jeunes étrangers, la France devrait aussi booster sa communication, en lançant des campagnes sur les réseaux sociaux, mais pas seulement : « Les écoles et universités doivent ouvrir des campus à l’étranger pour s’assurer une certaine visibilité aux yeux des étudiants », suggère Béatrice Khaiat. « C’est ce qu’ont fait les grandes écoles, et c’est payant », confirme Yves Poilane.
L’importance de développer les cours en anglais
Les établissements d’enseignement supérieur français doivent aussi faire des efforts pédagogiques s’ils veulent attirer plus d’étudiants venus de tous les coins du globe. « Pour l’heure, seulement 1 300 cours sont dispensés en anglais dans toute la France », reconnaît l’entourage de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Un déficit dû notamment au manque de formation continue pour les profs d’université, qui ne sont pas tous aptes à dispenser leurs cours en anglais sans renforcer leurs compétences dans cette langue. « C’est par l’effet de masse que la publicité se fait. Il faut donc que plusieurs cursus soient accessibles en anglais et pas seulement quelques cours. Dans mon école, Télécom ParisTech, la moitié des filières proposées le sont en anglais et cela fait six ans que je recrute certains enseignants qui ne parlent qu’anglais », explique Yves Poilane.
Selon une note obtenue par l’AFP, le gouvernement devrait notamment annoncer ce lundi une réforme des droits d’inscription dans les universités françaises pour les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne). Les plus aisés d’entre eux pourraient payer des frais d’inscription plus élevés, afin de dégager des marges pour financer des bourses pour ceux qui en ont le plus besoin. « C’est une bonne chose, car la hausse des frais d’inscription peut contribuer à clamer la valeur des enseignements dispensés. Tout en gardant une politique de bourses importante pour permettre d’accueillir des étudiants dont les familles ne sont pas aisées », estime Yves Poilane.