Histoire de congés: La naissance des colonies de vacances, une véritable avancée sociale

SERIE 3/4 Si les colonies sont nées en 1901 en France, elles se sont beaucoup développées à la suite de l’adoption des congés payés…

Delphine Bancaud
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Colonie de vacances en forêt dans la Sarthe, le 22 Juillet 2016.
Colonie de vacances en forêt dans la Sarthe, le 22 Juillet 2016. — GILE MICHEL/SIPA
  • Au départ, le but des colonies était de prendre en charge des enfants prétuberculeux de milieux défavorisés pour leur offrir une cure de soleil et de grand air.
  • C’est dans les années 30 que les colos se généralisent progressivement et accueillent de plus en plus d’enfants.
  • La presse de l’époque souligne les bienfaits des colos tant pour les enfants que les parents.

20 Minutes, en partenariat avec Retronews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France, propose une série d’articles sur les premiers congés payés. Aujourd’hui, focus sur la naissance des colonies de vacances.

« Les jolies colonies de vacances, merci Maman, merci Papa. Tous les ans, je voudrais qu’ça r’commence. You Kaïdi aï-di aï-da ». Elles ont été chantées, encensées et pour cause : depuis leur naissance en France il y a plus d’un siècle, les colonies de vacances ont accueilli plus de 60 millions de petits Français.

Une réussite qui nous a été soufflée par un de nos voisins. Car c’est en Suisse qu’elles ont vues le jour en 1876. Hermann Walter Bion, un pasteur ému par la mauvaise santé des enfants défavorisés de Zurich, organise ainsi un séjour à Appenzell pour qu’ils profitent du grand air. Ces séjours financés par des souscriptions connaissent un succès et un développement rapide en Suisse. En France, la première colonie de vacances est créée en 1901 à Saint-Etienne par l’abbé Souhé. « Au départ il s’agissait avant tout d’une œuvre sanitaire et sociale. Car le but de ces colonies était de prendre en charge des enfants prétuberculeux de milieux défavorisés pour leur offrir une cure de soleil et de grand air. Ils étaient la plupart du temps accueillis dans des familles en milieu rural et plus rarement dans des établissements de soins », rappelle Nicolas Palluau, historien au Centre Norbert Elias et spécialiste des mouvements de jeunesse.

Partir, parfois pour la première fois de sa vie

La presse de l’époque est dithyrambique, comme le montre cet article de La Croix en 1910 : « S’il est une œuvre admirable entre toutes, c’est bien l’œuvre des  colonies de vacances qui, d’enfants chétifs, malingres ou simplement anémiés, fait des enfants forts, énergiques, bien portants, leur rendant la vie en même temps que la santé physique et morale ».



Mais c’est dans les années 30, que l’accueil collectif des enfants pour des colonies de vacances s’impose progressivement, grâce à l’action de pédagogues. « Des moniteurs apparaissent et le nombre d’enfants partant par ce biais augmente, notamment après l’adoption des congés payés. Et même pendant la guerre de 39-45, les colonies de vacances continuent », explique Nicolas Palluau. La presse relaye ce succès, à l’instar de Paris Soir qui titre en août 1936 : « 200 enfants sont partis ». Le même mois, le Populaire s’exclame « Plus de 400 gosses de chômeurs parisiens sont partis en vacances ». Car ces colonies constituent aussi une véritable avancée sociale, comme le souligne Nicolas Palluau : « elles ont permis à des enfants de partir à la mer, à la campagne ou à la montagne, parfois pour la première fois de leur vie ».

Les bénéfices pour les enfants soulignés par la presse

Plusieurs journalistes de l’époque suivent d’ailleurs le départ d’enfants. L’un des journalistes du Populaire raconte ainsi en 1936 « la ruée dans les wagons », les pleurs et les rires des petits quittant leurs parents. « Pour eux l’aventure commence (…) Dans un mois, ils reviendront frais et roses, une flamme bleue dans les yeux », s’enthousiasme-t-il. Même emballement chez un journaliste de l’Echo de Paris qui suit le départ d’un groupe de fillettes et leur arrivée à la campagne : « toutes délirent des joies et gambadent comme des petits lapins de choux évadés de leur cage », décrit-il dans un style qui paraît aujourd’hui suranné ! En 1936, l’Ouest Eclair revient aussi sur les apports éducatifs des colos : « L’enfant y prend l’habitude de la vie collective il y apprend à "se débrouiller", il y acquiert le sens de la responsabilité, il s’y enrichit moralement », écrit le journaliste.



« Les bénéfices des colonies pour les enfants  qui sont évoqués dans certains articles de l’époque sont presque identiques à ceux que l’on pourrait souligner aujourd’hui : ils apprennent le vivre ensemble, font du sport, découvre la nature », commente Nicolas Palluau. La presse de l’époque évoque aussi les bénéfices des colonies pour les parents, comme La Petite Gironde, en août 1936 : « les parents bénéficient pendant deux mois d’un repos moral complet ».



Et si les colonies étaient au départ destinées à des enfants issus de familles plutôt défavorisées, elles se sont ensuite ouvertes à d’autres publics, comme le confirme Nicolas Palluau : « Avec l’expansion économique des années 50 et la progressive généralisation de l’accès aux loisirs, les comités d’entreprise ont commencé à proposer des colonies aux enfants de leurs salariés. Et d’ailleurs, leur financement par l’Etat et les collectivités a diminué au profit d’une participation plus grande des comités d’entreprise et des familles », indique l’historien. Une évolution qui permet encore aux colonies de vacances d’être un des rares lieux de mixité sociale.