VIDEO. Marseille: Contre le trafic de drogue, «on traite les symptômes, pas le problème de fond»
NARCOBANDITISME Policiers et chercheurs réclament une réponse politique forte et globale face au trafic de stupéfiants à Marseille et leurs conséquences…
- Le trafic de stupéfiants sévit dans les quartiers de Marseille depuis des années.
- Le gouvernement a annoncé 60 policiers supplémentaires.
- Des annonces qui ne suffisent pas à traiter le cœur du problème selon certains.
Dans son dossier de presse qui suit son traditionnel point annuel sur l’évolution de la délinquance dans les Bouches-du-Rhône et à Marseille, la préfecture de police se félicite des résultats obtenus en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants en 2017 :
« Des résultats exceptionnels ont été obtenus, à la fois grâce aux investigations en profondeur pour démanteler les réseaux, et à la présence de voie publique pour perturber leur fonctionnement au quotidien. »
D’un côté, il y a donc de violentes images, dont celles de la Busserine qui ont tourné en boucle ce mardi à la télévision, où des hommes, vraisemblablement impliqués dans le narcobanditisme, tirent en pleine journée dans la cité, et mettent des policiers en joue. Face à cela, la préfecture de police met donc en avant ses statistiques en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Sentiment d’impuissance
« 427 personnes ont été écrouées depuis 3 ans », rappelait au lendemain des faits le préfet de police des Bouches-du-Rhône Olivier de Mazières. Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a, de son côté, annoncé le recrutement de 60 policiers supplémentaires à Marseille d’ici 2019.
Des chiffres qui tranchent avec le sentiment d’impuissance de certains policiers marseillais, dont Bruno Bartocetti, responsable régional du syndicat unité SGP police FO, se fait le porte-voix. « Face à des individus très préparés et déterminés comme ceux de la Busserine, les policiers se sentent bien démunis », estime-t-il.
« Nous travaillons en insécurité »
« Nous travaillons en insécurité, à partir du moment où l’on ne nous donne pas les moyens suffisants. Le ministre annonce des policiers supplémentaires sur Marseille, mais ça représente, quoi, 3 % des effectifs ? Il faudrait qu’on soit au moins 300 de plus pour pouvoir être en sécurité. »
Et de nuancer : « Mais le problème du trafic de drogue ne peut être résolu par la seule police. Cette sécurité passe par une réponse pénale adaptée. Les sanctions doivent être exemplaires. Quand on voit que certains prennent deux ans ferme pour le trafic de drogue, pour eux, ça fait partie de leur impôt. Il faut donc aussi donner des moyens à la Justice ! »
Quand un réseau s’en va, un autre prend sa place…
Une décision que seul un gouvernement peut prendre. La véritable solution viendrait-elle des instances politiques dirigeantes ? Un constat que partage en un sens Laurent Mucchielli, sociologue et chercheur au CNRS sur les questions de sécurité. « Ce qui est arrivé à Marseille pourrait arriver en Seine-Saint-Denis demain. Les gens ont l’air de découvrir que les règlements de compte ne se font pas avec des pistolets en plastique ! »
Et de soupirer face à l’annonce du ministre de l’Intérieur : « On fait toujours les mêmes choses, qui consistent à traiter les symptômes au lieu de s’attaquer au problème. On fait des opérations de police contre les réseaux de vente. Le problème, c’est que quand un réseau s’en va, d’autres prennent la place dans les jours qui suivent ! »
La question de la légalisation
Selon ce sociologue, le « problème de fond » reste la question de la légalisation du cannabis. « S’il y a offre, c’est qu’il y a demande. Or, tant que ce marché sera interdit, le système de vente sera aux mains des bandits. » Et de fustiger : « Dans ces quartiers, il n’y a aucun travail d’insertion. Il y a la queue pour prendre la place des gens en prison ! C’est en effet le plan B par rapport au chômage et à l’exclusion, dans une ville comme Marseille, très pauvre et très inégale. »
Fustigeant ce mardi le « trafic de drogue et de stupéfiants » qui ont « conduit à un embrasement », le président de la République a demandé « pour le mois de juillet » un « plan de mobilisation contre le trafic de drogue ».