Sexualité: «Un bon coup, ça n'a pas de référence scientifique, ça ne veut rien dire»
SEXUALITE A l'occasion des assises de la sexologie, la sexologue Rosa Carballeda revient sur le mythe du «bon coup» et l'influence de la performance dans la vie sexuelle des jeunes...
Ce jeudi s’ouvrent au Palais du Pharo de Marseille les assises françaises de la sexologie et de santé sexuelle, organisées par la fédération française de sexologie et de santé sexuelle. L’occasion pour Rosa Carballeda, médecin sexologue et présidente de cette fédération, de revenir sur la notion de « bon coup » qui semble s’être répandu dans la vie sexuelle des Français, notamment chez les plus jeunes.
Les jeunes Français qui débutent ou vont commencer leur vie sexuelle semblent avoir une angoisse : celle de ne pas être un « bon coup ». Est-ce un phénomène nouveau ?
Vous avez raison. Nous sommes dans une société qui pousse à la performance, ne serait-ce que sur le plan purement physique. Jusqu’ici, ce phénomène ne concernait que les femmes. Maintenant, les hommes doivent aussi répondre à des exigences esthétiques : ils doivent porter la barbe, être musclés…
Comment expliquer un tel phénomène ?
Cette notion est liée aux références pornographiques. Il faudrait avoir des orgasmes et crier, ce qui n’est pas du tout la réalité. Le porno véhicule des standards. C’est une démarche commerciale pour donner de l’excitation pour l’homme. C’est une sexualité pulsionnelle qui répond à des critères masculins et qui ne correspond pas à la moyenne des gens.
On n’est même pas fait pour ça. L’être humain peut se passer de relation sexuelle, mais il a besoin d’une relation affective. Nous ne sommes pas des robots. Et la sexualité dépend aussi du vécu de chacun qui dessine un modèle d’attachement. Par exemple, si j’ai été élevé sans démonstration affective, je ne voudrais pas de préliminaires. Si j’avais des parents avec des amants ou maîtresses, j’entretiendrais des amours plurielles, ou l’inverse, en réaction. Mais avec le porno, des marchands nous imposent un diktat !
Est-ce qu’il existe des bons ou des mauvais coups ?
Un bon coup, ça n’a pas de référence scientifique, ça ne veut rien dire. Un bon coup dépend de ce que vous vous en attendez. Il dépend aussi de votre vécu. Il n’existe pas de bon coup dans les études scientifiques, car la normalité n’existe pas dans l’activité sexuelle. Ce qui compte, c’est moi et mes aspirations. Il y a aussi l’alchimie avec son partenaire. Si j’ai la chance de tomber sur un partenaire avec les mêmes aspirations que moi, alors là, effectivement c’est un bon coup. Ce n’est pas lié à une référence sociétale ou pornographique. Il n’y a pas de bons coups, il n’y a que de bons appareillements.
Est-ce que la pression d’être un « bon coup » a des conséquences sur la vie sexuelle des jeunes Français ?
Malheureusement oui, autant chez les hommes que chez les femmes. Chez les hommes, cela donne des troubles sexuels comme des troubles de l’érection. Ça existait bien sûr de tout temps, mais l’homme a tendance à accorder beaucoup de valeur à son érection avec le porno. Et pourquoi ? Parce qu’on n’a pas su éduquer les jeunes sur leur sexualité. Si on leur disait qu’une sexualité épanouie, ce n’est pas du tout ça, si on insistait sur l’importance du flirt, de se connaître, si on disait que l’objectif n’est pas la pénétration mais rendre heureux, on serait tous heureux de ce côté-là.
L’éducation à la sexualité, c’est pour vous le cœur du problème ?
C’est un des enjeux les plus importants. En termes d’éducation à la sexualité, on n’est pas bon en France. On manque de moyens. Il faut du personnel qualifié, des professionnels qui viennent informer les jeunes. Ça commence dès le plus jeune âge, éduquer les plus petits contre l’inceste et les attouchements, pour qu’ils puissent dire : « Non, tu ne me touches pas là, tu n’as pas le droit ». Pour les adolescents, il faudrait un site internet officiel, avec des études scientifiques et des contenus validés par différents professionnels qui vous expliquent comment ça se passe. Et surtout, il faudrait expliquer aux jeunes que la sexualité est une question de respect. Quelqu’un qui respecte les envies de son ou sa partenaire, celui-là est un bon coup.