Violences faites aux femmes: Découvrez le premier plan d’actions de la société civile
EXCLUSIF Lancé par la plateforme de consultation citoyenne Make.org, ce plan rassemble 30 associations, des entreprises, des institutions et a été alimenté par 400.000 personnes…
- Après deux mois de consultation en ligne, les huit actions de ce plan issu de la société civile seront dévoilées ce mercredi.
- Les mesures s’étaleront sur trois ans et visent essentiellement le signalement des violences et l’éducation.
- Objectif : réduire significativement les violences faites aux femmes.
« Légiférer, c’est bien. Mais la véritable question, c’est comment changer les mentalités dans chaque foyer ? ». Pour Axel Dauchez, fondateur de la plateforme citoyenne Make.org, la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut se penser sans l’engagement de la société civile. Imaginée dès avril 2017 par ce site de lobbying participatif, une consultation en ligne a permis à 400.000 internautes de participer à l’élaboration d’un plan visant à réduire significativement toutes formes de violences sexistes.
Consulté en avant-première par 20 Minutes, le plan dévoilé ce mercredi doit s’étaler sur les trois prochaines années et s’articule autour de huit mesures phares. Acteurs privés (la Fondation Kering, Facebook…), institutions (région Ile-de-France), personnalités et associations spécialisées se sont concertés pendant plusieurs mois pour donner corps aux propositions déposées sur le site par les citoyens.
Signalement et éducation
Bousculée par les révélations de l’affaire Weinstein et le lancement du mouvement #Metoo, la concertation en ligne a fait émerger des priorités claires. « On a reçu près de 3.800 propositions d’internautes. Celles liées aux violences conjugales se sont rapidement imposées comme celles visant à améliorer l’image de la femme dans la société ou relevant de l’éducation », détaille le fondateur de Make.org. Après une première phase de travail, 50 mesures ont été définies puis 8 définitivement conservées. Enfin, trois devraient être particulièrement soutenues par la secrétaire d'Etat à l'égalité Femmes-Hommes.
Parmi elles, le renforcement du numéro d’écoute de femmes victimes de violences (3919), la création d’une formation continue qualifiante des personnes en rapport avec les femmes victimes de violences et la création de dessins animés intégrant les violences faites aux femmes. Les cinq autres (mise à disposition temporaire d’hôtels pour les femmes victimes de violences conjugales, la création d’un service d’enregistrement rapide des agressions pour faciliter le dépôt d’une plainte et la mise en place d’une plateforme de mise en relation entre victimes d’un agresseur commun en entreprises ou à l’université…) sont toutes portées par des associations partenaires et devraient en partie être financées par la fondation Make.org, du mécénat ou des fonds privés.
Une substitution au politique ?
Concernant le 3919, subventionné en grande partie par l’Etat, il devrait être consolidé à hauteur de 500.000 euros par an permettant ainsi la création d’un chat et le renforcement des effectifs. « Environ 20 % des appels ne peuvent pas être pris en charge aujourd’hui. Lors du dernier trimestre, on a reçu 3.400 appels en plus par rapport à 2016 », rappelle Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes (La FNSF) en charge du numéro.
D’autres mesures elles, ne « coûteront rien » assure Axel Dauchez. Mais exigeront un intense travail de lobbying. Marie-Noëlle Bas, présidente de l’association Chiennes de Garde a d’ores et déjà rencontré le CSA pour appuyer le développement de programmes dédiés à la sensibilisation contre les violences sexistes. Prochaine étape du processus : convaincre les producteurs et les principaux diffuseurs de programmes destinés au 4-8 ans comme Gulli, FranceTV, TF1 ou M6. « On n’a trouvé aucun contenu de ce genre destiné aux enfants. Autant les chaînes ont intégré réellement tout ce qui est notion d’égalité, de respect de l’autre etc... autant sur le sujet des violences conjugales, on a encore du mal à en parler, surtout aux enfants », analyse Marie-Noële Bas.
L’ambition des actions de ce plan ne trahit-elle pas un désengagement des pouvoirs publics ? « Si d’une certaine façon, juge la présidente de Chiennes de garde. C’est justement parce que nous, les associations, nous sommes peu entendues qu’il fallait que la société civile s’en empare. C’est l’opinion publique qui détermine la volonté politique ».
Axel Dauchez lui estime que « les capacités d’action des citoyens sont bien plus importantes que celles des pouvoirs publics » mais assure que ce plan a été construit en « complémentarité » du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles que la secrétaire d’Etat, Marlène Schiappa, doit présenter le 21 mars en Conseil des ministres. Pour autant, le fondateur du site à l’origine de ce plan reste réaliste : « Pour les pouvoirs publics, c’est aussi une aubaine. Ils savent bien qu’en la matière, ils ne peuvent pas tout faire ».