Strasbourg: Grâce au cours de français donné aux parents d'élèves, «je commence à avoir le courage de parler à la maîtresse»
EDUCATION «20 Minutes» a pu assister, dans le quartier de Cronenbourg, à l’un des cours de français dispensé gratuitement à des parents d’élèves des écoles maternelles strasbourgeoises…
- La ville de Strasbourg a mis en place des cours de français dans certaines de ses écoles maternelles, à destination des parents d'élèves rencontrant des difficultés de compréhension et d'expression.
- Des cours qui dépassent l'enseignement de la grammaire et la conjugaison, puisque le système scolaire est aussi expliqué. Le but, Que les parents puissent davantage s'impliquer dans le parcours scolaire de leur enfant.
Les sourires et bavardages ont remplacé le stress et la timidité des premiers jours de classe. Vendredi, peu avant 9h à l’école de Cronenbourg, ces écolières un peu particulières se retrouvent dans la bonne humeur pour une nouvelle leçon de français.
Particulières ? Oui, parce qu’il s’agit là de mamans d’élèves de cette école maternelle strasbourgeoise, qui se sont inscrites aux cours de français gratuits mis en place par la ville de Strasbourg depuis la Toussaint. L'objectif? Les aider à suivre le parcours scolaire de leur enfant et à échanger plus facilement avec le corps enseignant. 20 Minutes a exceptionnellement pu se faire une place autour de la table pour suivre l’un de ces cours.
« Le moteur c’est l’interaction »
Le café servi, les parents d’élèves s’installent et déballent leur cahier et autre matériel scolaire fourni par le centre socioculturel de Cronenbourg, fréquenté d'ailleurs par la plupart en dehors de ce temps d’apprentissage. Bien que l’essentiel du cours prodigué avec enthousiasme par Saida Chekara, formatrice français langue étrangère (FLE), se fasse à l’oral, sous forme de discussion. « Le moteur c’est l’interaction », affirme la prof', soulignant « l’entraide » entre ses élèves.
Ces dernières s’appellent Sara, Hanen, Jooby, Leïla, Indira, Nabila, Raouda, Larissa et Aysel, ont entre 28 et 40 ans. De nationalité ou d’origine indienne, turque, tunisienne, algérienne, tchétchène, russe ou encore italo-marocaine, elles sont arrivées en France pour certaines il y a moins d’un an.
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Leur niveau en langue de Molière diffère. Il y a quelques mois, des élèves ne connaissaient aucun mot de français. Pas même « bonjour ». C’est le cas de Jooby, ingénieur en informatique indienne. « J’ai appris à me présenter », sourit-elle, expliquant, en tâtonnant, les thèmes abordés lors de ces cours.
Le dialogue noué avec l’enseignant
Il a déjà été question de l’identité, des études en France, du carnet de santé, de la restauration scolaire et par extension de la laïcité. « Dans nos pays, les écoles ne sont pas laïques. Ici, elle est aussi gratuite et obligatoire, c’est bien », précise Hanen. Elle explique s’être inscrite à ce cours pour « m'impliquer dans le suivi scolaire de mon enfant parce que je veux qu’il ait de bonnes notes. Et pour participer aux réunions de l’école aussi ».
Parce qu’au-delà des leçons de vocabulaire, grammaire et conjugaison il s’agit, deux fois par semaine, de leur donner les outils pour mieux comprendre le système éducatif français et y prendre part. En sautaut la barrière de la langue donc.
Indira se réjouit : « Je commence à avoir le courage de parler à la maîtresse, de poser des questions ». Leïla complète : « Avant j’attendais juste que la maîtresse me convoque. Je ne savais pas que je pouvais prendre rendez-vous pour parler avec elle ».
Sara et la technique du dialogue avec une vieille personne
Appliquées, les élèves sont assidues au cours et révisent en dehors. Sara a d’ailleurs une « bonne technique » pour s’entraîner à parler français : « Faire la discussion avec une vieille personne qui attend le bus ou le tram, parce qu’elles aiment bien parler, rigole-t-elle. Je fais la théorie ici, je fais la pratique là-bas ! »
Le français, il leur arrive aussi de le pratiquer à la maison autour, de l’avis de toutes, d’une relation plus forte avec leur enfant. « Ma fille me dit “tu vas travailler à l’école, c’est bien !” et elle regarde mon cahier ! », raconte Nabila.
La directrice de l’école de Cronenbourg, Véronique-Emmanuelle Petit a été « favorable dès le début » à ce dispositif. « La langue c’est le vecteur de la communication et on a souvent des problèmes de communication avec les parents. Ne pas maîtriser le français peut mettre leurs enfants dans la difficulté, mais eux-mêmes aussi ».
La directrice voit « deux avantages : c’est sur le temps scolaire, donc il y a moins de problèmes de garde. Et c’est dans l’école, un lieu, un nid, sécurisant au niveau affectif. » Surtout, elle se réjouit de voir déjà des progrès « même pas tant sur la langue, mais dans la posture. Elles arrivent avec de la confiance, fières, elles osent. Elles se redressent ».
« Le fait de comprendre le système et les enjeux de l’école leur permet de saisir le rôle qu'elles ont dans la réussite scolaire de leur enfant »
Saida Chekara la rejoint : « Ce qui les étonne le plus, c’est leur responsabilité sur la réussite scolaire. Elles n’avaient pas conscience qu’elles avaient un rôle, de suivre, de contrôler les devoirs »
L’élargissement du dispositif mis au vote du conseil municipal
A l’origine, la ville de Strasbourg comptait instaurer ces cours de français dans ses 53 écoles maternelles. « Les moyens ne l’ont pas permis, concède Bruno Streifer, responsable des projets périscolaires à la direction de l’enfance et de l’éducation de la ville. Aujourd’hui, il y a 16 écoles actives sur ce projet, là où il n’y avait pas ou peu d’offres d’apprentissage de la langue par ailleurs dans le quartier ».
L’objectif étant de pérenniser ce dispositif, un nouveau marché va être lancé. Le sujet figurera bientôt à l’ordre du jour du conseil municipal strasbourgeois dans l’optique de renforcer les moyens (un budget de 76.000 euros aujourd’hui) et étendre les cours de français aux écoles répondant à trois conditions : qu’il y ait des besoins identifiés, qu’il y ait de la place dans l’école et qu’il y ait des intervenants de qualité.