Procès d’Abdelkader Merah: «On m’appelait Ben-Ben, pour Ben Laden»

COMPTE-RENDU Au lendemain de l'ouverture du procès d'Abdelkader Merah et Fettah Malki, la cour d'assises spécialement composée de Paris s'est penchée sur l'environnement familial, scolaire et judicaire des deux accusés...

Hélène Sergent
Abdelkader Merah lors de son premier interrogatoire mardi 3 octobre 2017 devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Abdelkader Merah lors de son premier interrogatoire mardi 3 octobre 2017 devant la cour d'assises spéciale de Paris. — BENOIT PEYRUCQ / AFP
  • Le grand frère de Mohamed Merah est poursuivi pour «complicité d'assassinats» et Fettah Malki pour «recel d’armes, de munitions et de gilet pare-balles».
  • Les magistrats doivent déterminer les rôles joués par les deux accusés dans la préparation et la réalisation des attaques perpétrées en mars 2012.
  • Sept personnes ont été tuées à Toulouse et Montauban : trois militaires, un enseignant et trois enfants juifs.

La voix est calme, posée, le ton courtois. Bras croisés, Abdelkader Merah est revenu longuement ce mardi sur son parcours familial, scolaire et professionnel. Accusé de « complicité d’assassinats » dans les attaques perpétrées par son frère Mohamed à Toulouse et Montauban en mars 2012, l’homme aujourd’hui âgé de 35 ans a méticuleusement choisi ses réponses, jouant parfois avec le calendrier fixé par le président Frank Zientara.

Malgré les questions du magistrat et des avocats de la partie civile, la religiosité et la conception de l’islam d’Abdelkader Merah n’ont été qu’effleurées à l’audience. Un interrogatoire entièrement dédié à sa conversion doit se tenir vendredi 13 octobre prochain. Dépeint par les enquêteurs comme le « mentor radicalisé » de son frère, l’accusé a défendu des « traditions culturelles » héritées de ses parents algériens, « incomparables avec les traditions occidentales ».

L’enfance « parfaite », puis le chaos

Né en 1982 à Toulouse, Abdelkader a 11 ans quand ses parents divorcent. Une « enfance heureuse » suivie d'une vie « chaotique ». Sa mère chargée d’élever les cinq enfants - son père retourne définitivement en Algérie à la fin des années 1990 - est incapable de faire face. Régulièrement sollicités, les travailleurs sociaux évoquent dans leurs rapports un climat de violence.


A l’adolescence, dans le sillage de son grand frère Abdelghani, l’accusé dit « manquer de modèle » et « consommer beaucoup de résine de cannabis ». « Provocateur », « hyperactif », « agressif et toujours à l’affût des mauvais coups ». Abdelkader finit par décrocher un CAP de peintre en bâtiment. En 2001, il a 19 ans quand les tours du World Trade Center s’effondrent.

- « Est-ce que vous aviez un surnom au quartier ? », demande le président.
- « Oui, on m’appelait Ben-Ben »
- « Pourquoi ? »
- « Par rapport à Ben Laden. Le 11-Septembre j’ai crié "Vive Ben Laden !", ça m’a collé à la peau »

Religion et crédits à la consommation

Brouillés pendant des mois, parfois des années avec ses sœurs, son frère aîné, sa mère ou son frère cadet, l’accusé est condamné à plusieurs reprises pour des faits de violences à l’encontre des uns et des autres. En 2006, il se marie religieusement et par téléphone avec une « copine du quartier », Yasmina M. « Sa famille était contre (…) j’avais une vie dissolue. On a trouvé un tuteur pour nous marier », détaille Abdelkader Merah, sans vouloir révéler le nom de celui qui les a unis. « Vous savez qu’au regard de la loi vous n’êtes pas mariés ?», interroge alors le président. « C’est ma femme au regard de mon créateur », rétorque-t-il.


Converti à l’islam depuis peu, c'est à cette même période qu'il part pour la première fois en Egypte. Une nouvelle « vie » que la cour a seulement frôlé tant le président a insisté pour dissocier « religion » et « personnalité » lors des débats. Une décision qu’ont tenté de contourner les avocats des parties civiles dans leurs questions à l'accusé, suscitant la colère de l’avocat d’Abdelkader Merah, Eric Dupond-Moretti.

La veille, l’interrogatoire de Fettah Malki, autre accusé dans ce procès, a duré moins de deux heures. « Ami du quartier » de Mohamed Merah, ce délinquant de droit commun soupçonné de lui avoir fourni l’arme utilisée lors de l’attaque contre l’école juive Ozar-Hotorah, n’a cessé de nier toute vélléité djihadiste ou considération religieuse : « Je suis pas un terroriste, je n’irai jamais en Syrie! Qu’est ce que j’irai foutre en Syrie ? Je ne me considère même pas comme étant msulman », s'est-il offusqué. Le procès doit se poursuivre jusqu'au 3 novembre.