VIDÉO. Affaire Grégory: Quels sont les sept éléments qui ont permis de relancer l'enquête?

FAITS DIVERS Le «JDD» a consulté l’intégralité de l’enquête rouverte en 2008 et révèle les éléments nouveaux…

F.P.
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L'affaire du petit Grégory, trente-trois ans après
L'affaire du petit Grégory, trente-trois ans après — 20 minutes - Slideshow
  • Le petit Grégory, 4 ans, a été découvert mort en 1984.
  • Le JDD a consulté l’intégralité de l’enquête rouverte en 2008 et révèle les éléments nouveaux.
  • Trente-trois ans après, les gendarmes ont relancé l’enquête.

Pourquoi, trente-trois ans après l’assassinat, l’affaire Grégory a-t-elle redémarré ? Le Journal du dimanche a consulté l’intégralité de l’enquête rouverte en 2008 par la juge Claire Barbier et qui a abouti, cet été, à l’arrestation et la mise en examen pour enlèvement et séquestration suivis de mort de Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grande-tante de Grégory, et à la mise en examen de Murielle Bolle pour enlèvement.

Sept éléments nouveaux, des témoignages oubliés ou longtemps tus, ont permis aux enquêteurs d’élaborer une nouvelle hypothèse sur ce qui se serait passé le 16 octobre 1984 : l’enlèvement de Grégory Villemin aurait été effectué par Bernard Laroche, accompagné de sa belle-fille Murielle, et l’assassinat aurait été l’œuvre d’une deuxième équipe, constituée de Marcel et Jacqueline Jacob.

20 Minutes vous résume ces éléments nouveaux.

1. Le témoignage du cousin de Murielle Bolle

Dans ses premières déclarations aux gendarmes, Muriel Bolle, 15 ans au moment des faits, raconte que le jour de la disparition de Grégory, son beau-frère, Bernard Laroche, était venu la chercher devant le collège, dans sa voiture verte, et que tous deux étaient partis chercher le petit Grégory à Lépanges.

Trois jours plus tard, Murielle Bolle se rétractait pour ne plus jamais ensuite changer de version : elle serait rentrée de l’école en bus. Mais de multiples témoignages ébranlent sa position et confirment la certitude des gendarmes que Murielle Bolle avait bien dit la vérité lors de sa toute première déclaration, rapporte le JDD. Notamment celui de Patrick F., le cousin de Murielle Bolle, dont le témoignage a relancé l’affaire fin juin dernier. Patrick F. raconte ainsi que « Bouboule » avait subi un lynchage de la part de sa famille. Il conforte ainsi les propos déjà tenus par des sœurs de Murielle Bolle dans les années 1990.

2. L’amant de la fermière de Lépanges a vu la voiture verte

A Lépanges, les voisins de Jean-Marie et Christine Villemin, les parents du petit Grégory, ont longtemps menti aux enquêteurs pour préserver un autre secret : Marcelle Claudon, la fermière, avait un amant. Un ancien gendarme devenu contrôleur de bus. Longtemps, ils ont affirmé aux gendarmes n’avoir rien vu le jour de la disparition du petit Grégory.

En 1990, une habitante de Lépanges, Charlotte Conreaux, contacte la justice pour leur dire que Marcelle Claudon lui a avoué une version différente de l’histoire. La fermière, en allant chercher ses vaches le 16 octobre 1984, a bien vu Bernard Laroche dans une voiture verte avec une autre personne. Claude Collin, l’amant, a confirmé. Il a bien accompagné Marcelle Claudon jusqu’à son bétail et, sur la route étroite, il a bien croisé une voiture. A bord, il y avait « un homme corpulent » avec à sa droite « une femme aux cheveux roux ». Une description qui correspond à Bernard Laroche et Murielle Bolle. Le 23 mai dernier, André Claudel, le maire de Lépanges, a confirmé que « Mme Claudon avait bien vu la voiture verte ». Si ce détail avait été connu en 1984, tout aurait sans doute été différent, note le JDD.

3. De multiples recherches en paternité

Difficile d’y voir clair dans les clans de la Vologne. Quatre familles sont au cœur de l’affaire Grégory. Les Villemin, les Jacob, les Bolle et les Laroche, dresse le JDD. Entre elles se tissent des vies entrecroisées, des tromperies, des rivalités, des jalousies, des incestes, des rumeurs. En 2012, la juge Claire Barbier a demandé des tests ADN en vue de réaliser des recherches en paternité.

Il s’est murmuré notamment que Bernard Laroche était l’enfant illégitime d’Albert Villemin et même que le petit Grégory était le fils caché de Bernard Laroche. Les recherches en paternité ont permis de confirmer que ces deux rumeurs étaient infondées. Mais ces rumeurs auraient pu consituer le mobile du ou des corbeaux qui harcelai(en)t les Villemin. Les enquêteurs ont notamment clairement établi que Marcel Jacob nourrissait une haine viscérale à l’encontre d’Albert et Jean-Marie Villemin, respectivement le grand-père et le père de Grégory.

4. Monique Villemin, une grand-mère qui n’a pas tout dit ?

Les enquêteurs sont persuadés que la grand-mère du petit Grégory, 86 ans aujourd’hui, n’a pas tout dit. Ils souhaitaient la placer en garde à vue le 14 juin dernier, mais ont dû y renoncer au regard de son état de santé. Monique Villemin est soupçonnée d’avoir envoyé au juge Simon une lettre anonyme pour accuser sa belle-fille, Christine Villemin, la mère du petit Grégory. Elle a reconnu devant les enquêteurs son écriture, puis s’est ravisée, assurant qu’elle n’avait jamais pu écrire une telle chose. Mais elle a admis par ailleurs que Michel, un de ses fils, lui avait dit, huit jours après la mort du petit Grégory, que « Murielle [Bolle] était dans la voiture » de Bernard Laroche.

5. Marcel et Jacqueline Jacob racontés par leur fille

Les enquêteurs soupçonnent ce couple d’être les corbeaux potentiels, mais aussi d’avoir constitué la deuxième équipe. La fille unique du couple, Valérie, 49 ans, a brossé aux gendarmes le portrait sulfureux de ses parents avec qui elle a coupé tous les ponts après avoir appris qu’ils pratiquaient l’échangisme avec un couple de voisins. Valérie Jacob raconte que son père lui aurait tenu des propos équivoques lorsqu’il a été convoqué par le juge Simon, en 1990. « Il m’a dit que, s’il y avait quelque chose, il ne fallait pas qu’on le laisse tomber. (…) Je lui ai dit que s’il n’avait rien à se reprocher, il n’avait pas d’inquiétude à avoir. Ce jour-là, il avait l’air d’avoir peur de quelque chose. »

Depuis leur maison, en surplomb du domicile d’Albert et Monique Villemin, Jacqueline et Marcel Jacob avaient aussi, selon les gendarmes, « les moyens d’organiser pendant des années le harcèlement mis en œuvre » par le ou les corbeau (x). Une confidence de Valérie Jacob ajoute au doute : « Mon père, du temps où j’étais ado (…), était toujours chez lui avec ses jumelles à regarder en direction de la plaine, notamment chez Monique et Michel Villemin. »

6. Les révélations de l’aide-soignante qui accuse Murielle Bolle

Le 18 décembre 2015, les parents du petit Grégory ont remis à la juge Claire Barbier l’enregistrement d’une conversation téléphonique que Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, a eu en 2007 avec Jacqueline Girod, l’aide-soignante qui s’occupait de Jeanine Bolle, la mère de Murielle. Jacqueline Girod raconte notamment qu’elle aurait emmené un jour Murielle Bolle sur la tombe de sa mère, rapporte le JDD. « C’est là qu’on a parlé toutes les deux (…) Je dis : "T’as pris le car ce soir-là, Murielle, hein ?" Alors, elle s’est mise à pleurer, elle me dit : "Non, mais Bernard, Bernard, Bernard…" Ben je dis "Oui, mais pourquoi tu t’es rétractée ? ", "J’ai reçu des roustes". » L’infirmière, décédée en 2014, n’avait jamais voulu faire d’écrits attestant ses dires.

7. Le journal secret du juge Simon

Maurice Simon a hérité de l’affaire Grégory en 1987 jusqu’à sa mort en 1990. Le juge a confiné ses recherches dans trois cahiers numérotés de 14 à 18, remis à la justice par son fils en janvier 2016. Ils sont en quelque sorte la boîte noire de son enquête, écrit le JDD. Il a rapidement la conviction que Christine Villemin, la mère du petit Grégory, est innocente, contrairement à ce que pensait son prédécesseur, le juge Lambert.

Il émet en revanche des doutes sur « le clan Laroche » notamment après que Marie-Ange Bolle, la veuve de Bernard Laroche, a refusé de déférer à sa convocation. « Il existe une volonté absolue de ce côté-là de faire obstruction », écrit-il.