«Sexe neutre» à l'état civil ? La Cour de cassation rejette la demande d'une personne intersexuée
JUSTICE Né avec « un micropénis et un vagin rudimentaire », Gaëtan, 65 ans avait demandé, le 19 mars à la Cour de cassation, le droit de disposer d’un état civil de « sexe neutre »…
- Né avec les deux organes génitaux, Gaëtan, 65 ans n’est « ni homme, ni femme ».
- Cela fait deux ans qu’il demande à bénéficier d’un état civil de « sexe neutre ».
- La Cour de cassation a rejeté sa demande, ce jeudi.
Il est la « preuve indubitable que l’on peut vivre avec deux sexes ». Au sens biologique. Mais pas au sens juridique. La Cour de cassation a rejeté, ce jeudi, la demande d’une personne intersexuée qui souhaitait voir apposer la mention « sexe neutre » sur ses documents d’état civil. Né, selon les expertises médicales, avec « un vagin rudimentaire et un micropénis mais pas de testicules », Gaëtan* souffre, depuis sa naissance en 1952, d’avoir été placé par ses parents dans « la case masculine ».
Après avoir obtenu gain de cause devant le tribunal de Tours (Indre-et-Loire) en 2015, cette personne intersexuée avait vu sa demande rejetée par la cour d’appel d’Orléans (Loiret) en 2016, ce qui l’avait conduite à saisir la plus haute instance judiciaire française. « Dans les actes d’état civil, il n’existe que deux mentions relatives au sexe (masculin ou féminin). Cette binarité poursuit un but légitime, car elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur », a estimé, ce jeudi, la Cour de cassation qui a donc rejeté sa demande.
Il peut encore saisir la Cour européenne des droits de l’homme
Interrogé par 20 Minutes avant l’audience, Gaëtan, qui est marié et père d’un enfant adopté, avait indiqué qu’il envisageait de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) si sa demande était rejetée, ce jeudi, par la Cour de cassation. « J’ai 65 ans. Ma vie s’est déjà construite mais je sens que je ne serai jamais en paix sans la reconnaissance de ce que je suis réellement », nous expliquait-il alors.
« Son apparence physique est masculine, il s’est marié en 1993 et il a adopté un enfant, de sorte que son apparence et son comportement social sont, aux yeux des tiers, ceux d’une personne de sexe masculin et conformes à la mention figurant dans son acte de naissance », estime, de son côté, la Cour de cassation, à ce propos.
Pas de reconnaissance d’une « troisième catégorie sexuelle »
Auteure d’une étude faisant référence sur le sujet, Anne Fausto-Sterling, professeure de biologie à l’université Brown (Rhode Island, Etats-Unis) estime qu’environ 1,7 % de la population est concernée par des « anomalies sexuelles » telles que celle de Gaëtan.
Aujourd’hui, la plupart des enfants nés avec les deux sexes subissent, dès la naissance, des opérations d’assignation sexuelle. La France a été condamnée à trois reprises par l’ONU pour des opérations de ce type. Plusieurs pays dont l’Allemagne (2013), la première en Europe, l’Australie (2014) ainsi que le Népal ont reconnu un troisième sexe ou genre.
« La reconnaissance par le juge d’une troisième catégorie sexuelle aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination », conclut pour sa part la Cour de cassation dans son arrêt rendu ce jeudi.
* Le prénom a été changé