VIDEO. Soldats accusés de viols en Centrafrique: Des associations dénoncent une «enquête partiale»
EXCLUSIF Les associations Innocence en danger et Enfance et partage réclament que des militaires soient réentendus et confrontés alors que les juges s’orientent vers un non-lieu, faute de preuves…
« Batman », « Kirikou » ou encore « Jacki-Michel »… Les enfants centrafricains connaissaient leurs surnoms. Et se souvenaient de leurs signes distinctifs tels une rose noire tatouée dans le dos, un accent créole ou une tache rouge sous un œil. Selon nos informations, les associations Innocence en danger et Enfance et partage ont demandé, mercredi 8 mars, aux juges d’instruction de procéder à de nouvelles auditions, confrontations et expertises dans l’enquête menée sur des soupçons de viols sur mineurs qu’auraient commis des soldats français engagés dans la force Sangaris, en Centrafrique entre 2013 et 2014.
Fin décembre, les trois juges parisiens avaient laissé entendre qu’ils s’orientaient vers un non-lieu faute d’avoir pu recueillir les preuves nécessaires à la mise en examen de militaires dans ce dossier. Une enquête qualifiée de « lacunaire et partiale » par Rodolphe Costantino et Marie Grimaud, les avocats d’Enfance et partage et d’Innocence en danger. Dans une demande de 68 pages, ils réclament donc la réalisation de nouveaux actes d’enquête afin de permettre « la manifestation de la vérité ».
Six vidéos pédopornographiques sur un téléphone
A commencer par une confrontation entre cinq soldats mis en cause. Les écoutes téléphoniques réalisées durant l’enquête auraient révélé leur « concertation évidente » afin que chacun livre la même version aux enquêteurs. « Il faut que tu appelles le chef et tu lui expliques bien ta version. Comme ça, il dit pas un autre truc et toi tu dis un autre truc… », conseille ainsi un militaire à l’un de ses compagnons lors d’un coup de fil, selon la retranscription à laquelle 20 Minutes a eu accès.
En parallèle, les associations réclament également les nouvelles auditions de onze soldats. Notamment de celui qui a été identifié comme étant « Batman », le seul à avoir fait l’objet d’une garde à vue durant l’enquête. Sur son téléphone, les enquêteurs ont découvert six vidéos à caractère pédopornographique mais n’ont pas engagé de poursuites à ce sujet « l’intéressé ne [correspondant] pas aux profils habituels des pédophiles. »
Un élément qui fait dire aux associations parties civiles que l’enquête a été menée avec « complaisance » et « partialité » par la gendarmerie prévôtale, la seule à pouvoir enquêter sur les militaires en opération extérieure. A ce titre, elles réclament donc également l’audition de l’adjudant de la gendarmerie qui a rédigé tous les « procès-verbaux d’analyse » dans lesquels elles ont relevé de nombreuses « contre-vérités ».
Une liste avec les « particularités dermatologiques »
Surtout, les associations souhaitent qu’une liste précise de tous les soldats ayant transité par le camp de M’Poko soit enfin dressée. Comprenant les indications sur les « tatouages », les « piercings » ou « les particularités dermatologiques » des militaires, cette liste permettrait peut-être de mettre des noms bien réels sur les surnoms qu’ont livrés aux enquêteurs les 15 mineurs qui disent avoir été victimes de viols ou d’attouchements contre de l’argent ou de la nourriture.
Saisis en mai 2015, les juges d’instruction estiment, aujourd’hui, queles témoignages des enfants contiennent de nombreuses incohérences ou invraisemblances qui fragilisent l’accusation. Ils disposent désormais de la possibilité d’accepter ou de rejeter ces nouvelles demandes d’actes. Dans ce dernier cas de figure, ils n’auront plus alors qu’à attendre les réquisitions du parquet avant de prononcer un éventuel non-lieu.