Souvenirs de première grève: «Nous nous sommes battus pour notre dignité et cela a payé»

VOUS TÉMOIGNEZ. Le 18 février, c’était la journée mondiale d’action en faveur du droit de grève. Entre nostalgie et fierté des luttes engagées, nos internautes se souviennent de leur première grève…

Tristan Lescot
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Mobilisation contre la Loi Travail en mars 2016
Mobilisation contre la Loi Travail en mars 2016 — NICOLAS MESSYASZ/SIPA

« Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. » Cette phrase un peu définitive de Nicolas Sarkozy, prononcée en juillet 2008 alors qu’il s’apprêtait à faire passer la loi sur le service minimum dans les transports publics, fut rapidement démentie par les faits. Quelques jours après, entre 1.1 (selon la police) et 2.5 millions (selon les manifestants) ont défilé dans toute la France et les transports en commun furent fortement perturbés. Droit constitutionnel reconnu à tous les salariés, son exercice pose néanmoins parfois de réelles difficultés, notamment dans le privé et ses effets, en période de crise économique, sont de plus en plus incertains. À l’occasion de la journée mondiale d’action en faveur du droit de grève, le 18 février dernier, nous avons demandé à nos internautes quels souvenirs ils gardaient de leur première grève et si le résultat avait été à la hauteur de leurs espérances.

« Nous avions obtenu beaucoup après d’âpres négociations »

Mai 68 reste gravé dans la mémoire de Mohand : « Piquets de grève, soupe populaire (…) et au final, Cora Vaucaire à l’accordéon » dans une « ambiance superbe ». « Aucun incident » n’est venu ternir son vécu de 68 à la différence de Christiane qui se remémore des jours survoltés et violents à Paris. Fabrice préfère insister sur les avancées sociales obtenues après ces événements agités : « Usines bloquées, piquets de grève (…) nous avions obtenu beaucoup après d’âpres négociations (salaires, temps et conditions de travail…) ». Cela ne l’empêche pas aujourd’hui de ressentir une certaine amertume : « Que reste-t-il de tout ça ? »

Le mauvais calcul du gouvernement Chirac

Autre époque, autre mouvement qui a touché nos internautes, les grèves et les manifestations étudiantes contre le projet de loi Devaquet en 1986 qui visait à réformer les universités. Florence était lycéenne et garde l’image d’une ambiance « légère et joyeuse » et surtout du « mauvais calcul » du gouvernement Chirac qui s’était mis « la jeunesse du pays à dos ». Erreur qui se répétera en 2006 avec le CPE initié par Dominique de Villepin. Rebecca est fière du résultat obtenu : « Fac bloquée pendant 1 bon mois et demi, plusieurs manifs à mon actif. C’était chouette d’autant plus que le projet a été retiré. »

Angélique a battu le pavé contre le smic-jeunes voulu par Balladur en 1994 : « De Chasseneuil à Angoulême, on avait fait plus de 25 kilomètres à pied pour rejoindre Angoulême, c’était fort. » Le gouvernement avait fini par reculer.

« Nous nous sommes battus pour notre dignité »

Reculs plus rares aujourd’hui. Rosalie a connu sa première grève avec le projet de Loi Travail, mobilisée jusqu’à la fin du mouvement : « L’ambiance était très sympa entre manifestants, "l’accueil" des CRS bien moins drôle (premiers gaz lacrymogènes). » Malgré l’hostilité de l’opinion publique et d’une majorité des députés, le gouvernement de Manuel Valls a refusé de retirer le texte soutenu, par ailleurs, par la CFDT. Il a passé la loi en force à l’assemblée Nationale par le 49.3 et tout juste admis quelques concessions par rapport à sa version initiale.

Denis, lui, savait son combat très difficile. En 2013, contre deux multinationales, il a bataillé avec ses collègues pour la préservation de leurs emplois. Il ne regrette rien : « Nous nous sommes battus pour notre dignité et cela a payé. Tout d’abord, humainement, car nous avons partagé 3 mois de grève sous la neige en décembre et cela, nous ne l’oublierons jamais. Ensuite, nous avons démontré que des salariés unis pouvaient mener un gros combat qui était perdu d’avance ». Quelles leçons tire-t-il de cette expérience ? « Nous sommes sortis de ce conflit, grandis. Plus aucun d’entre nous ne croira aux beaux discours patronaux ! »