Centre de déradicalisation déserté, profils inadaptés: L'Intérieur va revoir son processus de recrutement

RADICALISATION Le centre ouvert en septembre dernier en Indre-et-Loire n'accueille plus personne, faute de candidat(e) adapté…

Hélène Sergent
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire). Le premier centre de déradicalisation ne devait accueillir que des «volontaires».
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire). Le premier centre de déradicalisation ne devait accueillir que des «volontaires». — GUILLAUME SOUVANT / AFP

Du « bricolage », voilà l’impression laissée par la visite du premier centre de « déradicalisation » ouvert en septembre à Pontourny (Indre-et-Loire) à la sénatrice écologiste du Val-de-Marne, Esther Benbassa. Chargée de mener aux côtés de sa collègue Catherine Troendlé (LR), une mission d’information sur la déradicalisation, l’élue évoque un « fiasco » et un « cadre inadapté » : « Quand nous nous sommes rendues sur place vendredi 3 février, il ne restait plus qu’un seul pensionnaire », précise-t-elle à 20 Minutes.

Aujourd’hui, ce résident aurait quitté la structure, « le centre est vide », confirme une source au sein du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la radicalisation. Depuis six mois, la structure, ouverte 24h/24 et 5j/7, dédiée à de jeunes majeurs radicalisés mais volontaires, peine à convaincre. Le centre aurait reçu jusqu’à 10 résidents précise la sénatrice EELV, mais les profils ne respecteraient pas les critères fixés en amont par l’Intérieur qui excluent les cas psychiatriques, les personnalités dangereuses et judiciarisées. Dernier couac en date, la mise en examen et l’arrestation d’un ex-pensionnaire du centre pour « association de malfaiteurs terroristes » le 21 janvier dernier.

Les préfets sollicités par l’Intérieur

Dans les couloirs de la place Beauvau, l’heure n’est pas au bilan pour autant : « C’est un dispositif expérimental, donc parler d’échec à ce stade n'a pas de sens. Mais il n’y a pas non plus une volonté de s’entêter à tout prix. Des enseignements ont déjà été tirés et nous allons continuer à faire évoluer les choses », a assuré l’Intérieur à 20 Minutes. Le ministère devrait relancer le processus de recrutement des pensionnaires, notamment auprès des préfectures, visiblement peu enclines à participer. « Une quarantaine d’entre elles n’a envoyé aucun nom, aucun profil susceptible d’intégrer le centre », a fait savoir Esther Benbassa.

Dans un document daté de juin 2016 émanant de l’Intérieur, auquel 20 Minutes a eu accès, le dispositif de sélection est pourtant clair : « Une pré-sélection effectuée par les préfets de département dans le cadre des cellules départementales de suivi de radicalisation » doit avoir lieu, suivie d’une « validation des candidatures » assurée par Pierre Pibarot, le directeur du groupement d’intérêt public « Réinsertion et citoyenneté » avant la prise en charge du bénéficiaire. Le document stipule en outre qu’il revient à chaque préfet de région et de département de préselectionner « 1 ou 2 bénéficiaires potentiels du programme (…) identifiés par vos services ».

Pas question de clouer au pilori les collectivités qui n’ont pas joué le jeu, avance toutefois Beauvau : « Il existe des disparités géographiques. Certains territoires sont confrontés à de nombreux profils de jeunes radicalisés et d’autres beaucoup moins. »

Un comité technique et une manifestation

Bruno Le Roux l’a affirmé à l’Assemblée et lors d’un déplacement à Bordeaux, le centre de Pontourny ne fermera pas ses portes avant un premier bilan annoncé à la fin de l’année scolaire. Une position intenable pour le député PS d’Indre-et-Loire, Laurent Beaumel : « Un comité de suivi doit se tenir ce vendredi 10 février pour faire le point sur l’expérimentation. Mais à l’évidence, il y a des choses qui ne fonctionnent pas et qui sont probablement liées aux critères d’accueil (…) Soit on nous donne des garanties, soit on nous dit qu’en l’état ce n’est plus possible mais on ne peut pas poursuivre dans cet entre-deux. »

Du côté de la société civile, la gronde et l’inquiétude s’accentuent. Dans un communiqué diffusé le 5 février dernier, l’association de riverains « Radicalement Digne de Pontourny » appelle à une manifestation ce samedi à 10h à Beaumont-en-Véron et à la « fermeture immédiate » du centre.