Comment l’Etat se prépare au retour de djihadistes français
RADICALISATION Selon les derniers chiffres communiqués par le Premier ministre Manuel Valls, quelque 700 Français ou résidents français se trouveraient encore en Irak ou en Syrie…
Le retour des djihadistes dans leur pays d’origine doit être « la principale préoccupation » en matière de sécurité pour les années à venir, a affirmé , lundi 7 novembre, à l’occasion d’une rencontre avec les préfets. Une inquiétude partagée par le ministre de l’Intérieur belge, Jan Jambon, qui a évoqué dimanche 13 novembre engagés dans les rangs de l’organisation terroriste et poussés à la fuite depuis le début de . Comment les autorités françaises s’organisent-elles pour répondre à ce nouvel enjeu ? 20 Minutes fait le point.
Un manque de recul nécessaire
En France, en Belgique, au Danemark ou en Suède, observateurs et experts s’accordent sur un point : les autorités nationales manquent du recul nécessaire pour proposer une solution exemplaire. « C’est difficile, contrairement à d’autres problématiques sociétales, les professionnels qui travaillent sur la radicalisation ou la déradicalisation ne disposent pas de dix ou quinze ans d’expertise », analyse , qui a défendu plusieurs « revenants » mineurs ou majeurs partis en Syrie et revenus en France. Même analyse pour le sociologue : « L’Etat, et pas seulement la France, n’a pu prendre toute la mesure ou l’ampleur de ce phénomène, tout est arrivé dans un temps très court ce qui pousse les autorités à réagir au coup par coup. »
La France, et par plusieurs attentats revendiqués par Daesh, a opté pour une « judiciarisation » des retours. « On est passés d’un traitement délictuel à des ressortissants qui se sont rendus en Irak ou en Syrie. L’objectif est le suivant : tous ceux qui reviennent doivent passer entre les mains de la justice », détaille et rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui, l’immense majorité des personnes parties rejoindre Daesh puis revenues sont mises en examen pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » et placées en détention provisoire.
La réponse carcérale privilégiée
de l’assassinat du père Jacques Hamel à , avait relancé le débat sur la prise en charge des djihadistes. « Aujourd’hui, clairement, le parquet antiterroriste requiert le placement en détention provisoire parce qu’il est de plus en plus difficile de différencier les personnalités des uns et des autres, certains ont des parcours très lisses et ont été impliqués dans des attentats terribles », détaille Agnès Dufétel-Cordier, avocate toulousaine.
« aucun juge, aucun politique ne veut prendre de risque. Mais, sur le long terme, la détention systématique peut avoir un effet dévastateur s’il n’y a pas un accompagnement pluridisciplinaire avec des psychologues, des théologiens, les services de renseignement, et individualisés. Il faut qu’on amène ces "revenants" à s’interroger sur eux-mêmes, qu’ils puissent porter un regard critique sur leur parcours car une bonne partie d’entre eux peut revenir sur ce choix de violence absolue », ajoute Farhad Khosrokhavar.
Des loupés et de nombreux projets
Désembrigader, déradicaliser, réinsérer celles et ceux, mineurs ou majeurs, qui ont choisi de rejoindre les rangs de Daesh est une nécessité particulièrement périlleuse. Et les mesures mises en place par l’Etat ne sont pas infaillibles. Le 25 octobre dernier, aux détenus radicalisés dans les prisons au profit de « six quartiers d’évaluation de la radicalisation » (quatre en région parisienne, un dans la région de Bordeaux, et un dans la région de Marseille) où seront placés 120 détenus au total, pour une durée de quatre mois.
Pour le reste, 27 établissements répartis sur tout le territoire mettront en place une « prise en charge spécifique » pour des détenus radicalisés, mais ne présentant pas une dangerosité maximale. Quant aux profils les plus durs, soit 300 détenus selon le ministre, ils seront soumis à un régime de détention particulièrement sévère, proche de l’isolement, fouillés, déplacés plus régulièrement et mis à l’écart des autres détenus. Côté associatif, on tâtonne également. , subventionné par le ministère de l’Intérieur dès 2014 et géré par l’anthropologue Dounia Bouzar, a été critiqué pour son fonctionnement opaque et des résultats contestés. Début 2016, la direction du CPDSI avait annoncé l’arrêt de sa collaboration avec l’Etat.