Le risque d'attentat est renforcé par «l'affaiblissement» de Daesh, estime François Molins
SECURITE Le procureur de la République de Paris explique craindre le retour au pays de djihadistes français partis en Syrie, dans un entretien au « Monde » publié ce vendredi…
« L’affaiblissement de renforce le risque d’attentat » en France, estime François Molins ; .
La menace du retour de Syrie
« Quand les organisations terroristes sont en difficulté sur zone, elles recherchent l’occasion de commettre des attaques à l’extérieur », relève François Molins.
L’organisation djihadiste, qui a revendiqué notamment les attentats de novembre 2015 à Paris et Saint-Denis (130 morts) et l’attaque de Nice en juillet dernier (86 morts), .
Deuxième inquiétude, « la menace du retour » : « on sera à un moment ou à un autre confronté au retour d’un grand nombre de combattants français et de leurs familles », ajoute le magistrat.
Selon François Molins, 2.000 Français sont partis, en transit ou souhaitent se rendre en Syrie, dont environ 700 sont sur zone.
« Des centaines de femmes vont revenir de Syrie », note aussi le magistrat. « On a peut-être été trop scrupuleux au début en se disant qu’elles suivaient leur mari et se cantonnaient à des tâches ménagères en Syrie. Aujourd’hui, elles sont systématiquement interpellées à leur retour et placées en garde à vue », souligne-t-il. A ce jour 59 ont été mises en examen en France, dont 18 détenues.
Par ailleurs, certains primo-adolescents, partis avec leurs parents en Syrie, « mis en scène dans des vidéos d’exécution ou qui subissent des entraînements militaires, vont constituer de véritables bombes à retardement » une fois rentrés en France, avertit François Molins. Selon lui, « une petite vingtaine » de mineurs combattent actuellement dans la zone irako-syrienne.
Un durcissement de la politique pénale en matière de terrorisme
Dans l’hexagone, le nombre de procédures engagées ne cesse de progresser : 982 personnes font ou ont fait l’objet d’enquêtes judiciaires : 280 sont aujourd’hui mises en examen, dont 167 placées en détention, et 577 font l’objet d’un mandat de recherche ou d’un mandat d’arrêt.
Le procureur de Paris relève aussi une hausse des dossiers concernant des jeunes filles mineures, résidant en France et aux « profils très inquiétants ». « Elles sont parfois à l’origine de projets terroristes qui, sur le plan intellectuel, commencent à être très aboutis », s’inquiète-t-il. Début août, une adolescente de 16 ans, administratrice d’un groupe sur la messagerie cryptée Telegram et qui se disait prête à commettre un attentat en France, a été mise en examen et placée en détention provisoire.
Vingt-trois garçons et 12 filles de moins de 18 ans sont actuellement mis en examen dans des dossiers terroristes.
De fait, « le parquet de Paris a décidé fin avril un durcissement considérable de sa politique pénale en criminalisant des dossiers correctionnels », précise le magistrat. Les infractions liées au terrorisme, qualifiées jusqu’ici de délit, sont dorénavant considérées comme des crimes et passibles de vingt ou trente ans de prison. Cette nouvelle stratégie pénale vise à « protéger la société en laissant plus longtemps en prison » des individus qui rentrent de Syrie.
Placer en rétention les individus fichés « S » ? « Impossible »
Le procureur de la République de Paris juge sévèrement l’idée « absolument impossible » de placer en rétention les individus fichés « S » ou celle de créer un parquet national spécial pour l’antiterrorisme.
Placer en rétention les individus fichés « S » (sûreté de l’Etat) par les services de renseignement, comme le préconisent certains à droite, et notamment Nicolas Sarkozy, « c’est absolument impossible », répond le procureur.
« Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d’une procédure pénale. C’est le socle de l’état de droit. On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction », souligne-t-il.
Ignorance ou mauvaise foi ?
Depuis la vague d’attentats qui a touché la France, des voix s’élèvent aussi régulièrement pour réclamer la création d’un parquet national spécial pour les affaires de terrorisme.
« Je ne sais pas si cela relève de l’ignorance ou de la mauvaise foi ! », réagit le procureur de Paris, en soulignant que « depuis trente ans, la justice antiterroriste fonctionne de manière centralisée et spécialisée », avec une section dédiée au sein du parquet de Paris, des juges d’instruction spécialisés, et la 16e chambre correctionnelle ou la cour d’assises spéciale, qui « a son propre fonctionnement, sans jury » populaire.
« De plus, le fait que la section antiterroriste soit aujourd’hui au sein du parquet de Paris, sous la direction d’un procureur unique, offre une souplesse en période de crise qu’aucun autre système ne permettrait », estime François Molins.
« Les effectifs de ont été portés à treize magistrats, contre sept avant les attentats de janvier 2015, et nous disposons d’une liste de 61 magistrats mobilisables à tout instant » en cas de crise, ajoute-t-il.
Même scepticisme quant à l’idée d’une « cour de sûreté antiterroriste », émise par , candidat à la primaire du parti Les Républicains (LR) pour la présidentielle. « Créer une cour de sûreté pour appliquer une justice spéciale avec par exemple des règles différentes en matière de présomption d’innocence serait contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l’Homme », explique-t-il.