Loi travail: Un ex-conseiller raconte la naissance du texte, «loin du regard» d'El Khomri
SOCIAL Pierre Jacquemain avait démissionné fin février, dénonçant une « trahison historique », raconte les coulisses de la loi Travail dans son livre « Ils ont tué la gauche »…
Fin février, il avait bruyamment claqué la porte du ministère, dénonçant au sujet de la loi El Khomri « un non-sens économique », « une aberration politique » et une « trahison historique ». Pierre Jacquemain, l’ancien conseiller de la ministre du Travail, dresse dans un livre une description au vitriol de la loi travail pilotée par Matignon, rédigée « loin du regard » de Myriam El Khomri, une ministre qui « renie ses convictions ».
Dans Ils ont tué la gauche (Fayard), en librairie mercredi, l’ancien conseiller décrit une Myriam El Khomri court-circuitée, dépossédée de ses prérogatives. Selon lui, le « véritable ministre du Travail », c’est Pierre-André Imbert, le directeur de cabinet, qui quittera ses fonctions en septembre pour l’Inspection générale des finances (IGF). « Le projet de loi travail, c’est lui. C’est lui, à travers l’autorité politique de Manuel Valls et non de sa ministre », écrit Pierre Jacquemain.
Un projet de loi « rédigé en chambre » par « l’équipe techno »
« En bon porte-parole de Matignon », le directeur de cabinet « transmet les recommandations auprès des deux expertes en droit du travail, à savoir la directrice adjointe de cabinet et la conseillère en droit du travail », écrit Pierre Jacquemain. L’une d’elles lui aurait « confié, dépitée, au retour des vacances de Noël, que cette loi ne servirait à rien ». « Le projet de loi avait été rédigé en chambre » par « l’équipe techno », « loin du regard de la ministre du Travail » et sans que la plupart de ses conseillers ne soient consultés, affirme-t-il.
« Ces mesures sont l’œuvre d’Emmanuel Macron »
Quand Le Parisien dévoile, le 17 février, une version provisoire du texte, c’est la « surprise générale » au sein du cabinet. « Les principaux conseillers concernés par les mesures "choc" n’avaient pas été sollicités, ne serait-ce que pour avis », raconte l’auteur. Et selon lui, « dans la coulisse, la ministre du Travail n’adhérait pas aux arbitrages de Matignon, qu’il s’agisse de l’inversion de la hiérarchie des normes, du licenciement économique ou même du plafonnement des indemnités prud’homales », finalement abandonné. « Ces mesures sont l’œuvre d’Emmanuel Macron », assure-t-il.
El Khomri aurait « tourné le dos » à Hollande, « le taxant d'"amateur" en privé »
Il raconte un déjeuner du cabinet le 14 février, après les arbitrages, où « la ministre faisait grise mine. Presque dévastée ». Par la suite, elle lui aurait confié avoir « pensé à démissionner ». Pierre Jacquemain, qui assume son militantisme à la gauche de la gauche, fait de la ministre un portrait au vitriol, l’accusant d’avoir « renié ses propres convictions » et « trahi ses ami-e-s, celles et ceux qui l’ont portée intellectuellement et politiquement ». Elle aurait aussi « progressivement tourné le dos » à François Hollande, « le taxant d'"amateur" en privé ». « Myriam El Khomri a abandonné la politique. Les idées. La pensée. Et la gauche avec. Elle est devenue la super-cheffe de l’administration du Travail », assène-t-il. Le ministère du Travail, sollicité par l’Agence France Presse, n’a pas souhaité réagir.