Journée sur l'accueil des étudiants réfugiés: «En redevenant étudiant, je retrouve un équilibre»
TEMOIGNAGE Mohammed Sha’ban, 30 ans, a dû se battre pendant un an pour obtenir le statut de réfugié…
Depuis le mois d’octobre 2015, Mohammed Sha’ban, 30 ans, réfugié Palestinien-Syrien, entame une deuxième vie d’étudiant, cette fois-ci en France. Lors de la journée autour de l’accueil et de l’intégration des étudiants réfugiés organisée ce mardi par le secrétariat d’État à l’Enseignement supérieur, les difficultés de ceux qui comme lui, ont dû traverser bien des tourmentes administratives pour en arriver là, seront passés au crible.
Contraint d'échapper au service militaire obligatoire après la révolution syrienne, Mohammed est arrivé dans l’Hexagone en 2013 après un passage au Liban. Il a dû se battre pendant un an pour obtenir le statut de réfugié. « Au début, le pensais que je retournerais en Syrie, mais ce n'est pas possible pour le moment. Je garde ce rêve, mais désormais j'ai choisi de vivre ici et j’ai donc décidé de reconstruire ma vie en France. Comme je ne voulais pas vivre en marge de la société et voir les portes se refermer une à une, j’ai choisi de reprendre mes études pour amorcer un nouveau départ et redonner un sens à ma vie », confie-t-il, la voix nouée par l’émotion.
Des cours de Français intensifs
Pas évident pour autant de reprendre ses études à 30 ans : « ça faisait 5 ans que j’avais achevé mon cursus de littérature anglaise à Damas (Syrie) où j’étais également traducteur anglais-arabe avant la révolution », explique-t-il. Inscrit en master en anthropologie à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), il participe à un programme de l’école destiné à faciliter l’accueil des réfugiés et grâce auquel il bénéficie d’une exonération de frais d’inscription.
Depuis fevrier dernier, il suit ainsi 9 heures de cours hebdomadaires de français à l’Alliance française de Paris et 2 heures de cours toujours de français à l’EHESS. « Je parle déjà l’anglais et l’espagnol, ce qui me permet d’apprendre plus facilement le français. J’espère que dans deux ou trois, je parlerais bien la langue de Foucault », indique-t-il. Des compétences écrites et orales qui vont lui permettre de démarrer dans les meilleures conditions ses cours de master à la rentrée prochaine.
Les étudiants français très solidaires
A l’EHESS, Mohammed a aussi rencontré des étudiants et des enseignants très bienveillants à son égard : « Klaus Hamberger, mon enseignant tuteur m’aide beaucoup au quotidien ». Sans famille et sans ami proche en France, Mohammed peut également compter sur la solidarité des étudiants français, comme celle de Pauline. « Je fais partie d’un collectif au sein de l’école qui aide les étudiants réfugiés dans leurs démarches administratives et leurs activités quotidiennes », raconte la jeune femme, qui semble déjà très complice avec lui. Le collectif se démène actuellement pour trouver des aides financières à Mohammed, qui est logé grâce à l’association Emmaüs . « Mais comme il a plus de 28 ans, il n’a le droit à aucune bourse étudiante ». Ses quelques piges dans des journaux français, libanais et anglais ne lui fournissent qu’un faible bonus.
Mais malgré ces difficultés, Mohammed reprend peu à peu confiance en l’avenir : « en redevenant étudiant, je me sens à nouveau en vie », confie-t-il. Car ni l’exil, ni les épreuves, ni la solitude qu’il ressent souvent loin des siens, n’ont tué ses rêves. « J’ai envie de publier un livre, à mi-chemin entre la prose et la poésie. Et je suis sûr qu’un jour je serai professeur à l’université, peu importe dans quel pays », affirme-t-il.