Centre de prévention du djihad: Les riverains de Beaumont-en-Véron déjà «radicalement contre»
REPORTAGE « 20 Minutes » s’est rendu à Beaumont-en-Véron, bourgade de 2.900 habitants d’Indre-et-Loire, qui doit accueillir, dès cet été, une trentaine de jeunes tentés par le djihad en Syrie et en Irak…
De notre envoyé spécial à Beaumont-en-Véron, Vincent Vantighem
Pour l’instant, les petits oiseaux de Beaumont-en-Véron chantent. Complètement indifférents à la polémique naissante. Coincée entre la Loire et la Vienne, cette bourgade de 2.900 habitants, tapissée de vignes, devrait accueillir le premier centre de prévention de la radicalisation en France.
Sans nommer précisément ce lieu, Manuel Valls a annoncé, lundi, que l’Indre-et-Loire abriterait, « dès cet été », la première des treize structures de ce type visant à réinsérer dans la société quelques-uns des 1.600 jeunes Français tentés par le djihad en Syrie et en Irak. « Ce sera bien dans cette commune, confirme à 20 Minutes une source proche du dossier. A moins que l’opposition locale ne soit trop forte… »
« Ils sont éduqués pour tuer »
Selon nos informations, ce centre doit accueillir une trentaine de jeunes hommes et femmes âgés de 18 à 30 ans qui n’ont pas fait l’objet d’une procédure judiciaire. «Ces personnes ont simplement été signalées au numéro vert comme étant susceptibles de ‘’basculer’’, indique notre source. Elles seront volontaires pour intégrer le centre. Il ne s’agit pas de terroristes ! »
Pour les riverains qui ont déposé une pétition « radicalement contre » ce projet, c’est du pareil au même. « Ils sont éduqués pour tuer, amalgame tranquillement Michel Carrier dont la véranda donne sur la vieille et élégante bâtisse qui abritera les volontaires. La centrale nucléaire de Chinon n’est qu’à deux kilomètres à travers les bois. C’est de l’inconscience de les installer à cet endroit. »
Maintenir l’emploi local et rassurer les concitoyens
La centrale n’est pas le problème majeur de Carole. L’abribus, si. « Nos enfants prennent le car scolaire juste devant le centre, s’insurge cette maman à la sortie de l’école. Que va-t-il se passer si ces jeunes radicalisés les contaminent avec leurs idées ? »
Dans sa mairie proprette, Bernard Château souffle quand on lui rapporte la question. Partagé entre la volonté de maintenir l’emploi des éducateurs du centre et la nécessité de rassurer ces concitoyens, le maire (sans étiquette) vit des jours difficiles. « Les riverains sont dans l’irrationnel. J’ai beau leur expliquer que les jeunes qui vont venir ne sont pas des terroristes, ils n’en démordent pas. Ça va être compliqué de les faire changer d’avis… »
« Je n’ai pas envie de revivre l’année 2015 ! »
Les éducateurs du centre aussi sont partagés.Ils vont devoir abandonner les mineurs isolés étrangers dont ils s’occupaient jusqu’à présent pour un autre type de public. « Ils ont peur de devoir faire des choses qui ne sont pas en rapport avec leurs compétences, témoigne Jean-Louis Salvaing, représentant (FSU) du personnel, devant les cerisiers du Japon embaumant le parc du centre. Il va falloir appréhender de nouveaux concepts… »
Florence, elle, s’y prépare déjà. Habituée des lieux pour y promener son chien régulièrement, elle avoue que la question de la sécurité la « titille » un peu. « Mais ce serait quand même formidable de sauver des personnes en perdition… » Bernard Château, le maire, va encore plus loin. « Je ne sais pas vous mais moi, je n’ai pas envie de revivre l’année 2015. »