Soins palliatifs: «La loi sur la fin de vie ne va rien changer!» pour les soignants

REPORTAGE «20 Minutes» s’est rendu auprès des soignants du réseau Arc-en-ciel qui aide les patients en fin de vie en Seine-Saint-Denis…

Vincent Vanthighem
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Une aide familiale au domicile d'une personne âgée
Une aide familiale au domicile d'une personne âgée — Jeff Pachoud AFP

Cancer de la prostate. Sclérose en plaques. Lymphome. Les rayons du soleil sur le mur éclairent les dossiers des derniers patients enregistrés par le réseau de soins palliatifs Arc-en-ciel de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Juste à côté, l’équipe soignante a punaisé les récents avis de décès. « On est le reflet de l’impuissance de la médecine, résume avec douceur Nathalie Nisenbaum, médecin responsable de cette association. Nous aidons les patients pour lesquels il n’y a plus d’espoir de guérison. »

Ceux-là même qui sont au cœur de la proposition de loi sur la fin de vie qu’Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (LR) vont soumettre, ce mercredi, au vote de l’Assemblée nationale et du Sénat. Après presque quatre ans d’atermoiements, les auteurs du texte proposent notamment à leurs collègues parlementaires d’autoriser une « sédation profonde et continue » aux malades dont la souffrance est insupportable. Autrement dit, le droit d’être endormi par des médicaments jusqu’à ce que la mort survienne.

« Cette loi ne va rien changer pour nous, attaque d’emblée Nathalie Nisenbaum. La sédation n’est pas le sujet. Nous soignons 400 patients par an et, en 2015, je n’ai conseillé la sédation profonde que dans un seul cas. » En l’occurrence, celui d’une jeune femme de 27 ans atteinte d’un cancer de l’estomac et dont les douleurs étaient « atroces ». Nathalie Nisenbaum. V.VANTIGHEM/20 MINUTES

Visite des petits-enfants et courses de bateau

Les autres patients en fin de vie ? Le réseau Arc-en-ciel parvient à les soulager sans pour autant les rendre inconscients. « Je me souviens d’un homme touché par des métastases au cerveau, poursuit la professionnelle de santé. Il souffrait. Je lui ai donc proposé de l’endormir. Il a préféré attendre parce qu’il appréciait encore de voir ses petits-enfants et de suivre les courses de bateau à la télé. Nous l’avons apaisé avec un traitement sans pour autant le sédater complètement et le priver de ces moments-là. Et il est mort trois jours après… »

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Entre deux coups de fil aux familles des malades, Nathalie, l’une des infirmières de la structure, assure qu’elle est sur la même ligne que sa responsable. « Cela fait quatre ans qu’on en parle et j’ai le sentiment que ce texte n’a pas ouvert le débat sur la fin de vie, lâche-t-elle. Pire, certains patients vont peut-être refuser désormais de se rendre à l’hôpital de peur que l’on ne pousse la seringue… »

80 % des médecins non formés à la prise en charge de la douleur

Les deux soignantes pointent en effet du doigt le manque de personnel sensibilisé à la question de la fin de vie. Dans un rapport accablant, publié fin 2014, le Comité national d’éthique assurait que « 80 % des médecins n’ont reçu aucune formation à la prise en charge de la douleur ». En réaction, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a promis, fin 2015, 40 millions d’euros d’investissement dans ce domaine.

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« Le risque, c’est qu’un patient soit sédaté profondément parce que l’équipe médicale n’a pas compris un de ses symptômes, poursuit Nathalie Nisenbaum. Il faut donc prendre le temps de discuter avec tout le monde : le patient, sa famille et son médecin traitant. Lorsqu’on explique bien que l’on peut apaiser les souffrances sans endormir les gens, ça va. » En treize ans d’exercice à la tête d’Arc-en-ciel, Nathalie Nisenbaum affirme qu’elle n’a jamais reçu une seule demande d’euthanasie.