Essai thérapeutique à Rennes: Que risque le laboratoire Biotrial ?
MEDICAMENT Trois enquêtes parallèles sont actuellement menées par l’Igas, l’ANSM et le pôle Santé du parquet de Paris…
Depuis trois jours, le directeur François Peaucelle ne gère plus beaucoup son personnel médical et ses laborantins. Ce sont plutôt les experts juridiques de l’ANSM, de l’Igas, de la police et la gendarmerie qui bloquent l’agenda du directeur général de Biotrial, le laboratoire impliqué dans l’essai thérapeutique qui a mal tourné à Rennes la semaine dernière.
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Trois enquêtes parallèles sont donc menées actuellement, à l’initiative de la ministre de la Santé Marisol Touraine. Aucun retour des inspecteurs des autorités de santé n’est attendu dans les jours à venir, mais se pose déjà la question des responsabilités. Les données connues du problème sont pour l’heure assez limitées. On sait simplement que les 6 personnes hospitalisées (dont l’une est décédée dimanche), sont celles qui ont reçu les doses les plus importantes de la molécule BIA 10-2474, produite par le laboratoire portugais Bial.
Savoir quelle est la cause de l’accident
Pour Maître Lubrano-Lavadera, avocat spécialisé en responsabilité médicale et préjudice corporel, les enquêteurs tenteront d’abord de vérifier si Biotrial, qui agit comme interface entre le laboratoire portugais et les patients, n’a pas enfreint les règles qui s’appliquent aux essais thérapeutiques. « Le laboratoire est tenu de soumettre aux autorités sanitaires des éléments pour réaliser ces essais. Soit il a donné des éléments exacts, soit inexacts. » A ce sujet, la ministre avait déjà précisé vendredi que Biotrial bénéficiait d’un agrément ministériel et qu’une inspection menée en 2014 n’avait révélé aucun manquement.
Toute la question est donc de savoir quelle est la cause de l’accident, en considérant les deux acteurs que sont les labos Bial et Biotrial. « Trouver la cause permettra de faire jouer la responsabilité de l’intervenant en cause», indique l'avocat.
Défaut de fabrication ou erreur médicale ?
Deux cas de figure semblent possibles : 1. Soit le problème vient de la molécule elle-même qui connaîtrait un défaut de fabrication par exemple. Dans ce cas, « la responsabilité sera automatique vis-à-vis du patient au titre la responsabilité sur les produits défectueux. C’est l’article 1386-1 du Code civil », précise Me Lubrano. 2. Soit le problème vient d’une erreur de prescription ou d’un dysfonctionnement dans l’exécution du protocole d’administration du produit. « C’est également une possibilité. Cela peut être une erreru d'exécution de prescription, une erreur de l’infirmière, etc. A ce moment-là, la responsabilité de l'établissement qui a commis l’erreur sur la base de la responsabilité pour faute est engagée », poursuit l’avocat.
Quoi qu’il en soit, dans ces deux cas, les acteurs « ne voient leur responsabilité engagée que sur le plan financier dans la mesure où on est dans une responsabilité civile qui donne droit à une indemnisation pour le dommage. Le droit civil ne punit pas. Il répare les conséquences du dommage et du préjudice. » Le procès établira ce qu’est le préjudice de la victime et l’indemnisation sera prise en charge par l’assureur.
La fermeture administrative ? Inappropriée à ce stade de l’enquête
A ce stade de l'enquête, il est encore trop tôt pour envisager une éventuelle responsabilité pénale pour blessures ou homicide involontaire. Enfin, les textes prévoient une éventuelle fermeture administrative de l’établissement Biotrial. «Mais on ne peut établir aucune hypothèse à ce stade de l’enquête», conclut l'avocat.