Attentats à Paris: Jawad Bendaoud, entre cupidité, bêtise et sympathies djihadistes
TERRORISME Plusieurs éléments réunis par la justice et consultés par «Le Monde» mettent à mal la défense du logeur des trois terroristes à Saint-Denis….
« J’étais pas au courant que c’était des terroristes, moi. (…) On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service, Monsieur ». Quelques minutes avant son arrestation, au petit matin du 18 novembre, Jawad Bendaoud, livrait « sa version » des faits à des journalistes de BFMTV. Au même moment, les forces du Raid donnaient l’assaut au logement délabré de la rue Corbillon que le jeune homme, connu pour ses activités de dealer de drogue et de marchand de sommeil, avait mis à disposition la veille à d’Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur présumé des attentats du 13 novembre, sa cousine Hasna Aït Boulahcen et un troisième terroriste encore non identifié.
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« Je m’en doutais, mais je voulais l’argent »
Mis en examen et incarcéré, avec une de ses connaissances du quartier, Mohammed S., pour association de malfaiteurs criminelle en relation avec une entreprise terroriste, Jawad Bendaoud a plus tard légèrement revu sa défense. Selon des documents publiés ce mercredi par Le Monde, l’homme de 29 ans a admis avoir fait le lien avec les terroristes en cavale : « J’ai douté, il y avait un truc pas clair, mais je ne vais pas prendre vingt ans pour ça, (…) je m’en doutais, mais je voulais l’argent », a-t-il confié aux enquêteurs.
Une version accréditée par un échange de SMS entre Jawad et sa petite amie : alors que l’assaut venait d’être donné rue Corbillon, la jeune femme lui écrit : « Je m’en doutais putain », « Je te l’avais dit en plus, c’est chelou ». Et Jawad de lui répondre : « Tous les mecs de ma rue, hier, ils rigolaient, ils m’ont dit t’es un OUF, tu ramènes des mecs de Belgique, deux frères MUS. (…) Sur le Coran de La Mecque c’est des terroristes, nous on rigolait, bah on s’en bat les couilles, moi je les héberge. (…) Les mecs ils viennent de Belgique, ils me demandent de quel côté on fait la prière, ils me disent on est fatigué, on veut dormir, on a passé trois jours de fils de pute, 150 euros pour trois jours, pourquoi ils ont pas été à l’hôtel ? (…) Vazy même moi j’ai trouvé ça suspect les mecs… ».
Soupçons de sympathies idéologiques
Par ailleurs, les enquêteurs mettent en doute les motivations du logeur qui prétend n’avoir été attiré que par l’appât du gain. « Décrit par un ancien codétenu comme "radicalisé", Jawad Bendaoud se dit non pratiquant, attestant d’une consommation régulière d’alcool, de cannabis et de cocaïne, et d’une vie sexuelle trépidante », détaille Le Monde. « Il reconnaît cependant avoir un jour laissé entendre qu’il pourrait s’inspirer des meurtres de Mohamed Merah. "J’y ai peut-être pensé en prison, mais une fois sorti, tout est sorti de ma tête », assure-t-il aujourd’hui" », poursuit le quotidien.
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Les enquêteurs s’intéressent également de près à Mohamed S. qui serait, des deux hommes, le plus susceptible d’avoir connu le parcours des terroristes hébergés dans le bâtiment de la rue Corbillon. Un SMS envoyé le 17 novembre par Hasna Aït Boulahcen, la cousine d’Abaaoud, pour le remercier d’avoir trouvé un logement est à ce titre assez troublant : « Toute la cité m’a appelé. (…) Ils ont vu à la télé, ils m’ont appelé tous (…) Aujourd’hui, ce que tu as fait, la vie de ma mère, tu es un bon », écrivait-elle.
Selon les informations du Monde, les deux hommes qui s’étaient rencontrés en 2008 en prison, seraient liés par un pacte après s’être affrontés autour d’une sombre affaire de dettes : « Finalement, résume une note judiciaire, ils se réconciliaient et trouvaient un arrangement : Mohamed S. livrait Jawad B. en cocaïne que ce dernier transformait en crack avant de lui restituer la moitié de ses gains. » Pour la fourniture du logement, l’intermédiaire aurait même été encore plus exigeant : Mohamed S. aurait empoché 100 euros et Jawad seulement 50 euros.