Marc Trévidic, l’ancien juge antiterroriste omniprésent dans les médias depuis les attentats
PORTRAIT•Les diverses interventions du magistrat sont saluées par les Français, qui ne comprennent pas pourquoi il ne peut pas continuer sa lutte contre le terrorisme…Anaëlle Grondin
Vous avez forcément vu son visage fin à la télévision ces derniers jours ou entendu ses avertissements à la radio si vous êtes scotché à l’actualité. Après les attentats qui ont coûté la vie à 129 personnes à Paris le 13 novembre, l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic est sollicité de toutes parts pour livrer son analyse. Son intervention au JT de France 2 au lendemain du drame a frappé les esprits. Rien que sur YouTube, la vidéo compte plus d’un million de visionnages ce jeudi.
Une intervention saluée par les téléspectateurs :
« Écouter le juge Marc Trevidic sur France 2. Informé, rigoureux, clair, intelligent. Tout le contraire de ceux qui parlent sans savoir. — civismeAPHG (@civismeAPHG) November 14, 2015 »
« On pourrait utilement réaffecter Marc Trévidic à la cellule antiterroriste. — Gilles Boyer (@GillesBoyer) November 14, 2015 »
L’avocat maître Eolas a d’ailleurs ironisé à ce propos sur Twitter :
« À lire Twitter ces jours-ci, je me dis que si Marc Trévidic se présente aux présidentielles en 2017, il est élu. — Maitre Eolas ✏ (@Maitre_Eolas) November 15, 2015 »
Marc Trévidic est devenu en septembre dernier premier vice-président du tribunal de grande instance de Lille après dix ans de spécialisation dans l’antiterrorisme à Paris. Sa nouvelle mission ? Coordonner le pôle pénal. Concrètement, il a eu droit à un « stage de juge aux affaires familiales à Dunkerque », et a redécouvert « audience de comparution immédiate » et « permanences de juge des libertés », indique La Voix du Nord. Une trajectoire étonnante ? Ce n’est pas de gaîté de cœur que le magistrat à l’allure austère et au regard sévère est retourné à la « justice du quotidien ». Slate rappelle que la législation française interdit aux juges spécialisés d’occuper les mêmes fonctions plus de dix ans. Il n’avait pas le choix.
Des enquêtes complexes ont pris un tournant majeur sous son instruction
En une décennie (de mai 2006 à septembre 2015), Marc Trévidic est devenu un personnage incontournable de la magistrature. En tant que juge antiterroriste au tribunal de grande instance de Paris, il avait en charge des dossiers extrêmement sensibles qui dérangeaient jusqu’au sommet de l’Etat comme l’attentat de Karachi en 2002, l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996 ou l’attentat de la rue des Rosiers en 1982, pour lequel il a lancé début mars des mandats d’arrêt internationaux contre trois suspects.
Marc Trévidic était également chargé de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana -dont les pilotes étaient français -, considéré comme le signal déclencheur du génocide de 1994.
Frondeur, il ose dire ce qu’il pense
Peu conciliant avec le pouvoir, l’ensemble des enquêtes ont pris un tournant majeur sous son instruction. Animé par « l’intérêt des familles de victimes » et un goût prononcé « pour les enquêtes criminelles compliquées », selon Libération, il envisage toutes les pistes. Dans l’affaire de l’attentat de Karachi d’abord imputé à Al-Qaida, par exemple, Marc Trévidic réoriente l’enquête sur une piste politico-financière. De manière générale, ses méthodes ne plaisent pas à sa hiérarchie, qui exerce une pression sur lui.
Marc Trévidic est également connu pour ses prises de position frondeuses. Nommé président de l’Association française des magistrats instructeurs en 2009, il s’était élevé contre la suppression du juge d’instruction voulue par Nicolas Sarkozy.
Son premier job, au tribunal de Péronne dans la Somme
Né à Bordeaux d’un père breton et d’une mère basque cadres chez Renault, Marc Trévidic a passé son enfance en Bretagne et en banlieue parisienne. Diplômé de l’Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux en 1989, il a commencé sa carrière comme juge d’instruction au tribunal de Péronne dans la Somme. Il a aussi travaillé un temps à Nantes avant de rejoindre le parquet de Paris où il intègre la section antiterroriste et se spécialise dans la menace islamiste. Il souhaitait rejoindre l’Île-de-France pour pouvoir se rendre tous les jours au chevet de sa mère, malade.
Marc Trévidic atterrit ensuite à Nanterre comme juge financier, passe dix mois à La Réunion, puis est rappelé à Paris en 2006 pour remplacer le juge antiterroriste Jean-François Ricard, l’adjoint de Jean-Louis de Bruguière. Il finit alors par hériter de tous les dossiers explosifs qui mèneront à sa médiatisation lorsqu’il lui succède un an plus tard.
« Le blues de l’antiterrorisme »
Pour s’évader lorsqu’il ne travaille pas, Marc Trévidic est guitariste à ses heures. Il apprécie également la poésie anglaise du XIXe siècle, selon La Croix. Ce père de trois enfants confiait toutefois au quotidien il y a deux ans avoir « du mal à décrocher, même le soir en famille ». Peu avant de partir pour le TGI Lille, Marc Trévidic confiait à France Info : « Je pense que dans quelque temps j’aurai le blues de l’antiterrorisme. »