Voile intégral: Quel bilan tirer de la loi cinq ans après?

La loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, qui a créé tant de débat lors de son adoption, aura cinq ans dimanche. L’occasion pour 20 minutes de faire un bilan de son application depuis son entrée en vigueur le 11 avril 2011.

Combien de personnes ont été contrôlées ?

Selon l’Observatoire de la laïcité, entre 300 et 400 contrôles sont effectués par an, avec une tendance à l’augmentation ces dernières années. D’après le ministère de l’Intérieur, sollicité par 20 minutes, 1.623 contrôles ont été effectués par les policiers ou les gendarmes entre avril 2011 et le 1er septembre 2015.

Lesquelles ont été sanctionnées ?

« Toutes les personnes ne sont pas verbalisées, certaines écopent d’un avertissement », explique Nicolas Cadenne, Rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Ce fut le cas pour 77 des 1.623 personnes contrôlées depuis 2011.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, en 2011, 234 personnes ont été verbalisées, 332 en 2012, 383 en 2013 et 397 en 2014. Soit 1.536 au total. La loi prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros d’amende, avec parfois l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté.

Quel est le profil des personnes verbalisées ?

Ce sont majoritairement des femmes qui portent le voile intégral ou le niqab, mais il y a aussi quelques cas d’individus portant une cagoule. « Les femmes portant le voile intégral sont en général âgées de 20 à 29 ans, bien souvent elles se sont converties à l’Islam et la majorité d’entre elles sont nées en France. Les étrangères viennent essentiellement du Maghreb et du Moyen Orient. Les infractions à la loi sont le plus souvent constatées en Ile-de-France, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Provence Alpes, Côte d’Azur et en Rhône-Alpes », constate Nicolas Cadenne.

Existe-t-il beaucoup de multiredicidivistes ?

Oui, car les 1.623 contrôles effectués depuis 2011 concernent en fait 908 femmes intégralement voilées. D’ailleurs cinq femmes ont été verbalisées plus de 14 fois et une femme à 33 reprises. Une attitude qu’explique Nicolas Cadenne « par la volonté de certaines femmes de provoquer. Elles veulent s’afficher en public pour susciter l’agacement ou la peur et ne craignent pas la justice ».

La loi est-elle toujours appliquée ?

Selon Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur : « La loi sur la dissimulation du visage a été appliquée normalement par les policiers et les gendarmes qui ont su faire preuve de discernement. Ainsi, l’immense majorité des contrôles et verbalisations se sont déroulés sereinement et sans tension particulière. » Mais selon plusieurs sources, les policiers ou les gendarmes ont tendance à se montrer indulgents à l’égard des touristes pourtant un niqab par exemple. Et dans certains quartiers, les policiers ont des priorités plus urgentes que d’effectuer ce type de contrôle, ou évitent de sanctionner les contrevenantes pour éviter les émeutes. C’est ce qu’avait déjà montré une journaliste de 20 minutes en 2011 dans un reportage.

La loi a-t-elle été suffisamment dissuasive ?

Pas vraiment, puisque beaucoup de femmes récidivent. Mais sans doute a-t-elle permis que certaines personnes ne commencent pas à porter le voile intégral ou ne jouent pas à effrayer les piétons en portant une cagoule. Elle a aussi inspiré d’autres pays qui songent à imiter la France.