Racisme et antisémitisme plus durement punis: « C'est un signal fort envoyé à l'opinion »
JUSTICE François Hollande a réaffirmé sa volonté de renforcer l'arsenal pénal contre le racisme ou l'antisémitisme. « 20 Minutes» a interrogé magistrat, avocat et associations...
« Nous disons que le racisme n’est pas une opinion mais un délit : ce principe doit avoir une traduction juridique. » Me Sabrina Goldman, au barreau de Paris et vice-présidente de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) est aussi l’un des 100 avocats français qui réclame du gouvernement que cette infraction ne soit plus seulement punie d’une simple contravention.
Elle a entendu l’allocution du chef de l’Etat, sur le site de l’ancien camp de déportation d’Aix-en-Provence, ce jeudi : « J’ai demandé à la garde des Sceaux » Christiane Taubira « de préparer d’ici à la fin de l’année un texte réformant le code pénal pour faire de toute inspiration raciste ou antisémite une circonstance aggravante pour une infraction, quelle qu’elle soit, quel qu’en soit l’auteur », a déclaré François Hollande. Une annonce que le président a déjà formulée fin janvier au Mémorial de la Shoah. « C’est un signal fort envoyé à la population », estime Me Goldman.
« Une réalité du quotidien »
« Les vols, violences ou dégradations commises à raison de la race ou de la religion d’une personne sont la réalité du quotidien. Durcir la loi, c’est renforcer les poursuites et donner aux victimes la possibilité d’être reconnues dans ce qu’elles subissent », poursuit l’avocate. Tout comme la Licra, SOS Racisme soutien la volonté du chef de l’Etat. « Il est bon que la République rappelle la gravité des propos ou comportements racistes, surtout à un moment où l’hystérie s’empare du débat public », note Dominique Sopo, président de l’association, qui pense à Nadine Morano, « vaisseau-amiral de cette dérive », et « à ceux qui lui ont ouvert la voie, comme Nicolas Sarkozy », l’ancien président. « Lorsqu’on laisse les mots et les actes se propager sur ce terrain-là, nous savons que ça prélude des flambées de violences que la société n’arrive plus à maîtriser », assure le responsable.
Comme pour les violences conjugales
L’arsenal juridique en matière d’infractions à caractère raciste « est déjà étendu », observe Pascale Loué-Williaume, trésorière de l’Union syndicale des magistrats et conseiller à la Cour d’appel de Versailles. Diffamation, injure, provocation à la haine, discrimination ou apologie de crimes contre l’humanité… « Si tout propos raciste accompagnant un quelconque délit devenait une circonstance aggravante pour celui-ci, la sanction encourue serait augmentée, comme cela a été le cas en matière de violences conjugales [en 1994, la qualité de conjoint de la victime est devenue une circonstance aggravante et, en 2006, elle a été élargie aux concubins, pacsés et aux ex]. Mais le texte devra préciser la nature de l’aggravation », prévient la magistrate.
Quels moyens, quid de la prévention ?
Par ailleurs, Pascale Loué-Williaume fait remarquer : enquêteurs, parquet et juges « devront également se poser la question de la preuve de cette circonstance aggravante. Si les propos racistes ou antisémites sont écrits, puisque matérialisés, il n’y aura pas de problème. Mais s’ils sont verbaux, il faudra des témoins… ». Elle souligne : « Nous savons que toutes les infractions ne vont pas jusqu’au tribunal : les effectifs des services enquêteurs ne sont pas extensibles, les moyens non plus. »
« Et une loi non appliquée est pire qu’une loi qui n’existe pas », admet Bernadette Hétier, présidente du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap). « La répression ne peut pas être la seule réponse dans ce domaine. Pour être pertinente, l’action doit être double : elle doit être éducative, aussi. »