Sperme d’oursin et dodo au plafond: Jean-François Clervoy raconte ses souvenirs d’apesanteur
ENTRETIEN Après trois voyages dans l’espace, Jean-François Clervoy est aujourd’hui le président de Novespace qui propose aux particuliers des vols paraboliques en apesanteur…
Aujourd’hui, ce sont les autres qu’il envoie au septième ciel. Astronaute toujours actif au sein de l’Agence spatiale européenne, Jean-François Clervoy est également le président de Novespace qui propose à des scientifiques mais aussi à des particuliers des vols paraboliques sans gravité. Après avoir fait découvrir les joies de l’apesanteur à un journaliste de 20 Minutes, l’astronaute a confié ses souvenirs sur le tarmac de l’aéroport de Mérignac (Gironde)…
Les vols paraboliques sont-ils le seul moyen de ressentir les sensations d’un astronaute ?
C’est surtout le seul moyen pour les scientifiques de mener eux-mêmes leurs expériences sans gravité. Avant ça, ils étaient obligés de les confier à de vrais astronautes en mission. C’est aussi pour les particuliers le moyen le moins cher de devenir un astronaute amateur et de découvrir l’apesanteur. Certes, le billet coûte 6.000 euros. Mais c’est moins cher qu’un vol suborbital (environ 250.000 dollars). Surtout, les vols paraboliques Zéro-G proposent 31 périodes de 22 secondes sans gravité. C’est plus de dix minutes d’apesanteur !
Après avoir vécu ce type d’expérience, cela ne sert plus à rien d’aller à Disneyland ?
Si, on peut toujours aller à Disneyland. Le vol parabolique est une expérience unique mais très précise. Visuellement, ce n’est pas sexy ! Vous êtes dans un avion sans hublot. A Disney, il y a les couleurs, les images, la musique, une ambiance particulière. Et puis, il y a le train fantôme et Peter Pan ! A Novespace, nous étudions en ce moment la possibilité d’équiper nos passagers de casque de réalité virtuelle. On pourrait imaginer dans quelques années faire l’expérience de l’apesanteur en ayant un casque qui nous immerge dans l’espace. De quoi vivre « Gravity » en vrai…
Vous avez effectué trois séjours dans l’espace. Retrouvez-vous les mêmes sensations dans les vols paraboliques ?
Oui, je les retrouve. Mon petit plaisir et de m’allonger sur le sol, de fermer les yeux et de laisser les lois de la physique me porter, me déplacer dans l’avion. C’est d’ailleurs cette sensation qui m’avait manqué à mon retour sur Terre après mon troisième voyage. Dans la navette, j’avais l’habitude de dormir au plafond. Je ne pouvais plus le faire en revenant. C’est bête mais j’aimerais bien pouvoir installer des meubles au plafond chez moi.
Dans le vol auquel « 20 Minutes » a participé, les scientifiques ont embarqué une crevette et une mouche pour leurs expériences. Lors de vos voyages dans l’espace, étiez-vous accompagné d’animaux aussi ?
J’ai emmené de très nombreuses « choses » pour la science. Je me souviens de scarabées qu’il fallait faire voler, de rates femelles enceintes et même de têtards qui n’arrêtaient pas de tourner sur eux-mêmes. Ils avaient été disséqués au microscope à notre retour. Mon plus grand souvenir reste sans doute les tubes contenant du sperme d’oursin que nous avions embarqué pour analyser les effets des rayons cosmiques. Je n’ai jamais eu les résultats de cette expérience…