«Mur des voleurs»: Que risque-t-on à afficher la photo des resquilleurs dans son magasin?

DROIT Un supermarché parisien a dû retirer, ce lundi, des photos de voleurs extraites de son système de vidéosurveillance qu’il affichait dans ses rayons…

Vincent Vanthighem
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Dans un supermarché à Paris
Dans un supermarché à Paris — Joel Saget AFP

Pour certains, c’était des «tablettes de chocolat». Pour d’autres «du foie gras». Voire du «lait infantile». Un supermarché Carrefour City a dû retirer, ce lundi, des photos de voleurs extraites de son système de vidéosurveillance qu’il affichait à l’entrée du magasin.

 

 

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D’après les premiers éléments de l’enquête, la direction du magasin aurait décidé d’agir de la sorte, il y a deux ans, pour refroidir les éventuels resquilleurs mais aussi appeler les vigiles à la vigilance. Une initiative pourtant illégale. 20 Minutes a consulté les codes pénal et civil pour vous expliquer pourquoi.

La loi sur la vidéosurveillance l’interdit

Si l’un des «voleurs affichés» veut se plaindre, son avocat commencerait sans doute par relire la loi du 21 janvier 1995 sur la vidéosurveillance. Il trouverait dans l’article 10 de quoi défendre son client. L’alinéa 6 de cet article précise qu’il est interdit de «faire accéder des personnes non habilitées aux images ou d’utiliser ces images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées». Et la peine est lourde: la loi prévoit trois ans de prison et 45.000 euros d’amende pour ce genre de contrevenant.




Une atteinte à la vie privée

La loi française est très stricte sur la vie privée. Personne n’a le droit de savoir que vous avez fait vos courses –et encore moins volé quelque chose– dans un magasin. L’article 226-1 du Code pénal punit d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende «le fait, au moyen d’un procédé quelconque, de porter atteinte (volontairement) à l’intimité de la vie d’autrui.»

Traiter quelqu’un de voleur peut-être «diffamant»

Sur chaque photo, la direction du Carrefour City de la rue de Vaugirard précisait bien la denrée qui avait été volée par le malotru ainsi que la date de son méfait. Rien que le fait de qualifier de quelqu’un de voleur pourrait tomber sous le coup de la loi sur la diffamation. La loi sur la liberté de la presse de 1881, qui s'applique également pour des cas d'affichages, le rappelle sans ambages. «Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.»

Un magasin est-il un lieu public?

Dernière question à soumettre à un tribunal en cas de litige. Un supermarché est-il un lieu public? Le débat risque d’être ténu mais la réponse pourrait changer beaucoup de chose. Si l’on considère ce type de magasin comme un lieu public, seule une «autorité publique compétente» (en l’occurrence les forces de l’ordre) peut demander à extraire des images précises. C’est ici une circulaire du 22 octobre 1996 qui le précise.

La défense du groupe Carrefour

«Ce Carrefour city de la rue Vaugirard est un magasin franchisé, dont l'initiative isolée n'est pas du fait de l'enseigne, a indiqué le groupe Carrefour à 20 Minutes. Carrefour condamne cette initiative.Dès que nous en avons eu connaissance, nous avons demandé à ce que ce panneau soit retiré.»