Le débat sur l’interdiction du voile à l’université à nouveau relancé... par une ministre

LAICITE La secrétaire d’État aux Droits des femmes Pascale Boistard a déclaré ne pas être favorable au port du voile dans les facultés...

Delphine Bancaud
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Pré-rentrée des étudiants en sciences de l'université de Provence située dans le quartier Saint-Charles de Marseille, le 6 septembre 2010.
Pré-rentrée des étudiants en sciences de l'université de Provence située dans le quartier Saint-Charles de Marseille, le 6 septembre 2010. — Patrice Magnien/20 Minutes

C’est un sujet polémique qui s’invite encore dans l’actualité. Et cette fois-ci, il est relancé par une personnalité de gauche. Invitée du Talk du Figaro ce lundi, la secretaire d'Etat aux Droits des femmes, Pascale Boistard, a déclaré: «Je ne suis pas sûre que le voile fasse partie même de l'enseignement supérieur».

Des propos qui ont tout de suite été commentés par le député UMP Eric Ciotti. «Je me réjouis de cette prise de position», a-t-il déclaré dans un communiqué mardi, trop heureux que cette question soit remise sur le devant de la scène... et de pouvoir mettre le gouvernement en porte-à-faux.

Après les propos de P. Boistard je demande à M. Valls de soutenir ma PPL visant à interdire le voile à l'université http://t.co/8YvA0Tziol
— Eric Ciotti ن (@ECiotti) March 3, 2015



D’autant que mi-février, Eric Ciotti a déposé une proposition de loi demandant l'interdiction du voile dans les universités. Dans celle-ci, il propose d’étendre aux universités le champ d’application de la loi de 2004 interdisant le port de signes manifestant «ostensiblement une appartenance religieuse» dans les écoles, collèges et lycées publics. Car selon lui, «on assiste depuis quelques années à une montée de revendications religieuses et communautaristes dans l’enseignement supérieur (…). Par ailleurs, certains enseignants constatent que des étudiantes refusent d’enlever leur voile islamique en cours de sport au motif de la mixité des groupes. Cette situation n’est pas tolérable», estime-t-il. Dans un communiqué du 23 janvier Lydia Guirous, secrétaire nationale de l'UMP aux valeurs de la République et à la Laïcité s’était elle aussi prononcée pour l’interdiction du port du voile à l’université.

Dans une note juridique publiée mercredi dernier, le Ceru (Centre d'Etudes et de recherches universitaires) qui se positionne à droite, revennait aussi sur le port du voile à l’université. Il se prononçait contre une loi prohibant le port du voile à la fac, mais invitait les présidents d’université à mieux l’encadrer dans leurs règlements intérieurs «pour garantir la conciliation entre le principe de laïcité et la liberté religieuse».

La CPU refuse la stigmatisation des étudiantes voilées

Une suggestion qui a peu de chances d’être adoptée. Le principe de liberté religieuse prévaut à l’université pour les étudiants, seuls les enseignants sont soumis au principe de neutralité qui s’impose à tout agent public. «Si l’on interdisait le port du voile à la fac, on serait obligé d’étendre ce principe aux autres services publics au nom du principe d’égalité, ce qui semble impossible et pas souhaitable», souligne Olivier Vial, directeur du Ceru.

Reste que certains incidents poussent les présidents d’université à se poser des questions, comme récemment lors de conflits entre des enseignants et des étudiantes voilées. Pour les aider, la Conférence des présidents d’université (CPU) a publié un guide Laïcité et enseignement supérieur, prévoyant la possibilité pour les présidents d’université d’adopter un règlement intérieur, susceptible d’encadrer le port du voile. Quelques rares universités ont ainsi précisé les quelques cas dans lesquels certaines tenues (dont le port du voile, même s’il n’est généralement pas cité explicitement) sont prohibées pour des raisons de sécurité (participation à des manipulations de produits chimiques inflammables en laboratoire ou de machines dangereuses…) ou de non-adéquation avec l’activité pratiquée (cours de sport). D'autres interdisent «les signes ostentatoires».

Mais pour l’heure, pas question pour la CPU d’aller plus loin. «Le voile fait partie du paysage français, du RER à la rue en passant par l’université, qui se doit, bien plus encore que tout autre lieu public, d’être un lieu de dialogue, de discussion, un endroit pour les libertés de toutes sortes et non un lieu d’exclusion ou de discrimination», a ainsi déclaré Jean-Loup Salzmann, président de la CPU, dans une tribune publiée mi-février sur le nouvelobs.com. En 2013, Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, jugeait aussi que le voile à l'université «ne posait pas de problème». Une manière de clore le débat… pour un temps.