«Le mariage a perdu son rôle de rite fondateur du couple»

INTERVIEW Laurent Toulemon, chercheur à l’Ined, analyse la perte de vitesse du mariage, qui a accusé une baisse de 6% en France entre 2012 et 2013 selon les chiffres de l'Insee révélés ce jeudi...

Propos recueillis par Delphine Bancaud
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Illustration d'un mariage.
Illustration d'un mariage. — SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA

Le mariage serait-il de venu ringard? Selon une étude de l'Insee rendue publique jeudi, le nombre de mariages hétérosexuels célébrés en 2013 (231.225) est le plus bas enregistré en France. Une réalité sociale qu’analyse Laurent Toulemon, chercheur à l’Ined.

Les unions hétérosexuelles ont baissé de 6% entre 2012 et 2013. Est-ce signe d’un déclin continu du mariage?

Il faut relativiser la baisse d’une année sur l’autre, d’autant que si on ajoute le nombre de mariages de personnes du même sexe (7.500 en 2013), la baisse n’est que de 7.500. En revanche, le nombre de mariages a fortement diminué depuis les années 1970. Car pendant les années 70-80 et avec la diffusion de la pilule, il a perdu son rôle de rite fondateur du couple.

Mais comment expliquer sa chute depuis les années 2000?

D’abord, par l’arrivée du Pacs en 1999 qui a permis aux couples de rendre publique leur union sans passer par la case mariage. De plus, les avantages fiscaux sont désormais identiques pour ces deux types d’union. Du coup, environ 160.000 couples se pacsent chaque année.

Mais pourtant le mariage confère plus de droits aux membres du couple que le Pacs…

C’est vrai, car il donne droit à une pension de réversion (partie de la retraite versée au conjoint survivant), contrairement au Pacs. Par ailleurs, il ouvre droit à l’adoption, contrairement au Pacs et à certaines exonérations en cas de succession. Enfin, toute la jurisprudence du divorce profite à l’ex époux ou épouse qui est le plus faible économiquement dans le couple. Mais a contrario, un Pacs est plus facile à rompre qu'un mariage. Et à l’heure où 40% des couples mariés risquent de divorcer, cela peut expliquer que certains préfèrent s’engager dans un Pacs.

L’érosion du mariage s’explique-t-elle aussi au moindre attachement à ce rite?

Il n’y a pas d’hostilité face au mariage, mais la majorité des jeunes ne considèrent plus qu’il soit indispensable à la construction de leur vie de couple. Par ailleurs, de moins en moins de mariages sont religieux, ce qui tend à prouver qu’une telle union n’est plus considérée comme un sacrement, mais davantage comme un contrat entre deux personnes.

Pourquoi le mariage pour tous n’a-t-il pas séduit davantage de couples homosexuels?

Ils ne se sont en effet pas rués vers lui, car s’il était important pour eux symboliquement d’avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels, ils n’ont pas forcément ressenti le besoin de s’engager sous cette forme.

Pensez-vous que le nombre de mariages va continuer à décliner dans les prochaines années?

C’est impossible de le savoir. Cela dépendra surtout des règles qui concernent la retraite, l’héritage… Si certains avantages conférés aux couples mariés sont supprimés, cela pourrait affecter ce type d’union.