Les mesures antiterroristes ne plaisent pas aux défenseurs des libertés individuelles
ANALYSE Plusieurs responsables associatifs redoutent un «risque pour la démocratie» après l’annonce de plusieurs mesures censées lutter contre la menace terroriste…
Il y a, d’un côté, «l’esprit du 11 janvier». De l’autre, ceux qui préfèrent «voir à long terme». Interrogés par 20 Minutes, ce mercredi, plusieurs responsables associatifs s’inquiètent des dérives que pourraient générer les mesures antiterroristes dévoilées en Conseil des ministres.
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Hausse des moyens humains et financiers, prévention de la radicalisation: le plan de Manuel Valls prévoit également d’intensifier les écoutes téléphoniques ou encore de créer deux nouveaux fichiers hébergeant des données personnelles. Une seule raison à cela: «La menace reste à un niveau très élevé», assure le Premier ministre qui promet donc «d’agir».
L’ivrogne du coin dans le fichier des terroristes?
La menace? Michel Tubiana n’est pas du genre à l’ignorer. Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (LDH), l’avocat avoue pour autant qu’il sera «extrêmement vigilant» quant au nouveau projet de loi sur le renseignement que le Premier ministre a annoncé pour mars. «Il prévoit la création d’un nouveau fichier terrorisme. Mais qui va-t-on mettre dedans, interroge-t-il. L’ivrogne du coin qui a lancé ‘’Vives les terroristes’’? Il faut être attentif car se retrouver sur un fichier peut avoir des conséquences dramatiques sur la vie des gens…»
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Laurence Plisson est bien placée pour le savoir. Secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (classé à gauche), elle doute aussi de l’efficacité de cette mesure. «On a déjà plein de fichiers, souligne-t-elle. On parle d’y mettre toutes les personnes mises en cause. Mais si au final, l’individu est relaxé, peut-on accepter que son nom finisse dans un fichier de terroristes?»
«Se demander qui on écoute et pourquoi»
Même son de cloche concernant les écoutes téléphoniques qui devraient être facilitées par ce nouveau projet de loi. A l’heure actuelle, la loi interdit aux services de renseignement de "brancher" plus de 2.190 personnes au même moment. «Ce seuil va encore être dépassé, pense déjà Laurence Plisson. Mais il faudrait qu’on se demande qui on écoute et surtout pour quelles raisons. J’attends de savoir si le contrôle de ces écoutes va également être renforcé…»
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Membre de l’Association des victimes de terrorisme (AFVT), Stéphane Lacombe reconnaît que les mesures annoncées ce matin sont indispensables après l’émotion suscitée par les attaques. «On ne peut qu’approuver le principe. Mais ce n’est pas suffisant, confie-t-il. Il faut une réponse pédagogique. Soigner le mal, c’est bien. Mais il faut éviter qu’il ne se reproduise.»
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A cette évocation, Michel Tubiana avoue qu’il est aussi dubitatif sur l’idée d’isoler les détenus radicaux en prison. «Ça rappelle quand même les quartiers de haute sécurité ou Guantanamo, lâche-t-il. Et si les gens devenaient plus dangereux avec ce dispositif? Seul l’avenir le dira. Mais faisons preuve d’un peu de prudence.» Le bilan des attaques est là pour le rappeler au gouvernement.