Les enfants malades de l’école

PHOBIE SCOLAIRE Comme à chaque reprise des cours après les vacances, certains élèves sont dans l’incapacité de revenir à l’école en raison de leur anxiété…

Delphine Bancaud
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Illustration d'un collégien allant à contre coeur à l'école.
Illustration d'un collégien allant à contre coeur à l'école. — LEVY BRUNO/SIPA

Ce lundi, ils ont manqué à l'appel. Comme chaque jour de rentrée après les vacances, certains élèves ne parviennent pas à reprendre le chemin de l'école, paralysés par la peur.

Car s’il n’existe pas de chiffre officiel sur la phobie scolaire, «on estime qu’entre 1 et 3% des élèves scolarisés en souffrent», précise Luc Mathis, vice président de l’association Phobie scolaire. Des troubles anxieux qui touchent le plus souvent les adolescents à partir du collège et qui se manifestent par divers symptômes: «L’enfant a mal au ventre, éprouve des difficultés à respirer, souffre de troubles du sommeil, de vomissements ou de diarrhées...», décrit Marie-France Le Heuzey, psychiatre au service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Robert Debré. Sans parler des crises de larmes, de la violence verbale ou au contraire du mutisme dans lequel s’enferment certains adolescents.

Une véritable souffrance psychique

Un mal qui renvoie à des causes très variées et qui peuvent être combinées, comme le souligne Marie-France Le Heuzey: «Il peut être dû à une symbiose forte avec les parents, qui débouche sur une anxiété de la séparation. Ou à une angoisse de l’échec scolaire, notamment si l'enfant est scolarisé dans un établissement élitiste et a peur de décevoir ses parents. D'autres cas relèvent de la crainte d’être harcelé par les camarades ou de la peur de parler en public...».

Face à la détresse de leur enfant, les parents n’ont souvent pas d’autre choix que de le garder à la maison. «C’est un processus progressif: l’enfant commence par rater quelques cours jusqu’à s’absenter totalement pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. C’est là le signe d’une vraie pathologie. Et les conséquences peuvent être rudes, car plus on manque l’école, plus c’est difficile de rattraper les cours», souligne la psychiatre. Déscolarisés, certains adolescents continuent parfois à travailler par eux-mêmes et à pratiquer des activités sportives ou artistiques. Mais d’autres se replient complètement sur eux-mêmes et «risquent de basculer dans des activités addictives, comme les jeux vidéo ou la télévision», insiste la psychiatre.

Consulter rapidement

D’où l’importance de ne pas laisser cette phobie scolaire s’enkyster, affirme Luc Mathis: «Il faut impérativement en parler avec l’enfant et que l’équipe pédagogique soit au courant. Car à défaut, l’école peut interpréter ce rejet de l’école comme du désintérêt», explique-t-il. Un avis que partage Marie-France Le Heuzey: «Il faut agir vite et consulter un psychologue ou se rendre dans un centre médico-psychologique ou dans une des Maisons des adolescents. Dans les cas les plus graves, une hospitalisation est parfois nécessaire afin de prendre en charge la pathologie de l’enfant avant de le réimmerger progressivement dans le système scolaire». Bien souvent, il faut aussi aider les parents, pétris de culpabilité face à la détresse de leur enfant. «A l’association Phobie scolaire, nous organisons des groupes de paroles, soit en direct, soit par skype pour les aider à sortir de l’isolement et leur montrer que cette épreuve peut être surmontée», explique Luc Mathis.

Des initiatives qui sont généralement efficaces: «dans la majorité des cas, la phobie scolaire est transitoire et les enfants s’en sortent bien. Même s’il leur reste toujours une fragilité», conclue Luc Mathis.

<<<A lire aussi le témoignage de Maeva, qui a souffert de phobie scolaire pendant des années