Un viticulteur accusé de pillage archéologique, fixé sur son sort
Pillage de sanctuaires gallo-romains ou simple passion de prospecteur amateur? La justice se prononce vendredi après-midi sur le cas d'un vigneron de 60 ans, accusé d'avoir dérobé des centaines d'objets anciens sur des sites archéologiques.
Le prévenu, teint buriné, cheveux poivre et sel, ne se voit pas comme «un bandit de grand chemin». «Je cherchais à la surface de la terre. Les objets étaient là, il n'y avait qu'à les ramasser. Je pensais être dans la légalité», a-t-il assuré à l'audience, le 29 juillet, devant le tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne).
Accusé d'avoir ciblé en connaissance de cause les meilleurs sites de la région, en effectuant notamment un repérage en avion, il a tenté de minimiser la portée de ses recherches, toujours réalisées «avec l'accord des propriétaires» des terrains concernés, mais sans le feu vert de l’État.
L'homme aurait fait des dizaines de fouilles illégales dans la Marne, l'Aube et la Seine-et-Marne. Féru de pièces anciennes, il se rendait régulièrement dans des salons numismatiques pour vendre ou échanger ses trouvailles, «une passion» non coupable, selon lui.
L’État ne l'entend pas ainsi. Les douanes lui réclament une lourde amende de 200.000 euros et le parquet a requis quatre mois de prison avec sursis à son encontre. Son épouse, 58 ans, est, elle, poursuivie pour «recel».
«Il a privé les archéologues de leurs outils de travail», a dénoncé le procureur. «Il savait que ce qu'il faisait était contraire à la loi», a-t-il ajouté, rappelant qu'un article de presse sur les «ravages» du pillage archéologique avait été retrouvé à son domicile.
- Un héritage du grand-père -
Le viticulteur, producteur de champagne dans la Marne, avait été interpellé le 5 février 2012 en Seine-et-Marne lors d'un banal contrôle routier. Les douaniers avaient retrouvé à bord de son véhicule 112 pièces de monnaie d'époque gallo-romaine.
A la demande du parquet de Meaux, une perquisition avait été menée à son domicile. Les enquêteurs avaient mis la main sur un véritable petit musée: quelque 2.300 objets, des pièces de monnaie, des poteries, des bagues, des colliers.
Le vigneron affirme qu'une partie de cette collection a été découverte par son grand-père, qui l'a initié et lui a transmis en héritage. «Il m'emmenait le week-end dans les champs, on ramassait des pièces», a-t-il raconté au tribunal.
La collection, dont la valeur est estimée à plusieurs dizaines de milliers d'euros, a été confisquée par les douanes, qui se sont constituées, avec le ministère de la Culture, partie civile dans ce dossier.
«L'ensemble de ces fouilles sauvages constitue un vrai problème. C'est une catastrophe pour la science», a assuré à l'audience Marc Drouet, sous-directeur de l'archéologie au ministère. «Il ne faut pas que l'archéologie soit victime de son succès. L'archéologie, c'est l'affaire de professionnels».
Selon l'association Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique (Happah), au moins 520.000 objets sont pillés chaque année en France. Ces vols, principalement des objets de l'époque antique, gauloise et médiévale, comme les pièces de monnaie, sont le fait d'environ 45.000 prospecteurs munis de détecteurs de métaux.