Trop chers, sans goût: Le marché des fruits et légumes n’a pas la pêche
REPORTAGE Sur les marchés d’Ile-de-France, les commerçants font face à la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs…
Quelques nectarines, une poignée d’abricots: deux euros. Jacques s’en sort bien: «Les abricots sont corrects», juge-t-il, goûtant un fruit tendu par le commerçant du marché de la Bastille. Comme lui, Nina goûte avant d’acheter: «Je préfère acheter sur le marché plutôt qu’en grande surface où les fruits ont parfois l’air plus beaux mais ne sont pas bons», confie la jeune fille.
Consommation en baisse de 10 %
Ce jeudi matin, melons français, pêches d’Espagne et tomates rondes s’étalent sur les marchés parisiens. Mais ne trouvent pas toujours preneurs: d’après les syndicats de producteurs français, la consommation de fruits et légumes cultivés en France est en baisse de plus de 10 % par rapport à l’année dernière.
La faute, selon eux, à la concurrence des producteurs espagnols qui vendent leurs surplus de production deux à trois fois moins cher que le prix du marché. Mais pour les consommateurs, le problème vient surtout de leur porte-monnaie: «J’achète souvent les promotions, que ça vienne d’Espagne ou pas», reconnaît Ninette, retraitée à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Ce matin, elle a acheté des brugnons d’Espagne, parce qu’ils étaient moins chers que ceux de France. Emene, jeune maman, a elle acheté quelques courgettes venant du nord de l’Europe: «Je fais attention au prix, mais je préfère quand même acheter de bons fruits et légumes pour mes enfants même s’ils sont un peu plus chers qu’en grande surface», explique-t-elle.
Moins acheter ou chercher les promotions
Trouver le bon rapport qualité-prix, c’est l’équation que chacun essaye de résoudre entre les étals. Et le patriotisme économique n’est qu’un bonus: «Je demande toujours d’où ça vient, s’exclame Simone, le nez plongé dans les melons. Et je fais attention aux saisons, car quand on achète un fruit hors saison, il n’a pas de goût». Rosine, de son côté, fait le tri entre les nectarines: «Je ne prends pas les plus gros calibres qui sont plus chers, ils ont le même goût que les autres!», s’indigne la retraitée qui estime «qu’avec sa petite retraite», la vie est devenue difficile. «Avant, les pêches, c’était trois francs le kilo», se souvient-elle.
Aujourd’hui, le prix est presque le même, mais en euros. «Les gens achètent moins car ils n’ont plus les moyens, témoigne Camille, maraîchère à Montreuil. Ils cherchent beaucoup les promotions. On essaye de garder des produits français mais cela ne correspond pas forcément à la demande.» La situation est un peu différente dans les quartiers plus aisés de la capitale: «Les gens nous demandent tout le temps d’où viennent les produits et préfèrent acheter français mais en moindre quantité», explique Nabil, dont le stand sur le marché de la Bastille propose presque uniquement des produits d’origine française.
«Les fraises de France reviennent à dix euros le kilo, celles d’Espagne à 2,5 euros», chiffre-t-il. A ce prix-là, le consommateur se fait plaisir en petites quantités et ce n’est probablement pas la campagne de promotion des fruits et légumes français promise par le gouvernement aux syndicats de producteurs qui y changera quelque chose. «Les salaires n’augmentent pas, tout est cher, il n’y a plus d’argent!», s’indigne une cliente. L’oseille se fait rare sur les marchés.