Que prévoit le projet de loi antiterroriste?
INFO «20 MINUTES» Nouvelle incrimination personnelle, interdiction de sortie du territoire, perquisitions dans les «clouds»… «20 Minutes» s’est procuré le texte du projet de loi antiterroriste qui sera présenté mercredi en conseil des ministres…
De l’aveu d’un haut fonctionnaire de la Place Beauvau, «la menace terroriste est particulièrement inquiétante et la France doit faire face à des défis nouveaux». Après avoir adopté un plan de lutte contre la radicalisation violente, Bernard Cazeneuve va présenter ce mercredi en conseil des ministres son projet de loi antiterroriste.
Ce texte, dont 20 Minutes s’est procuré l'exposé des motifs, vise à répondre aux nouvelles problématiques de lutte contre le terrorisme que les récentes affaires -Merah, Nemmouche…- ont illustré. Il est découpé en cinq chapitres et comporte 18 articles. Il doit être examiné par les députés en commission des lois avant la fin du mois de juillet. Nouvelle incrimination, interdiction de sortie du territoire, djihad sur le Web, techniques d’investigation… Ce qu’il faut en retenir, en six points.
Interdiction de sortie du territoire
Le premier chapitre du projet de loi, qui pourrait concerner environ 200 personnes, veut permettre à l’Etat d’interdire le départ d’un Français vers des zones de djihad. «Cette disposition vise à éviter qu’ils n’aillent se radicaliser sur un théâtre d’opérations à l’étranger et qu’ils ne deviennent une menace à leur retour», commente-t-on à l’Intérieur. La mesure pourrait être prise par le ministre pour une durée de six mois maximum mais renouvelable «aussi longtemps que les conditions en sont réunies», précise le texte qui prévoit une «procédure contradictoire» dans les quinze jours qui suivent la décision.
Concrètement, un individu sous le coup d’une telle mesure se verrait retirer et invalider son passeport. Les compagnies de transport auront l’obligation de transmettre les données d’enregistrement des passagers à l’autorité administrative qui pourra alors contrôler les interdictions de sortie du territoire. «Souad Merah, par exemple, qui a rejoint la Syrie, n’aurait pas pu s’envoler depuis l’Espagne pour la Turquie», assure un conseiller, Place Beauvau. Principale difficulté, prouver que la personne veut réellement se rendre dans une zone de djihad. Par ailleurs, le texte ne prévoit pas de contrôle en cas de franchissement en voiture d’une frontière interne à l’espace Schengen.
Lutte contre l’apologie du terrorisme
«Il ne s’agit pas […] de réprimer des abus de la liberté d’expression mais de sanctionner des faits qui sont directement à l’origine des actes terroristes», introduit l’article 4. Pour lutter contre l’apologie du terrorisme, le projet de loi entend sortir de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse les délits de provocation et d’apologie du terrorisme et de les inscrire dans le code pénal dans un nouvel article. «Cela nous permettra, par exemple, de faire des saisies, impossibles aujourd’hui dans le cadre de la loi de 1881.»
Une nouvelle incrimination
Cette disposition est le fruit d’échanges avec le juge antiterroriste Marc Trevidic, censée répondre au développement de «l’auto-radicalisation». Jusqu’à présent, seul le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste permettait de poursuivre les individus. Désormais, ils pourront être poursuivis individuellement sur la base de cette nouvelle incrimination: l’entreprise terroriste individuelle.
Le texte prévoit de la limiter «à la préparation des actes terroristes les plus graves et les plus violents». Les policiers devront démontrer «que la personne agissant seule dispose déjà des instruments nécessaires à la commission de l’infraction, chercher à les obtenir, à les acquérir ou à la fabriquer».
Bloquer l’accès aux sites de propagande
L’autorité administrative pourra demander aux fournisseurs d’accès de bloquer les sites qui font l’apologie du terrorisme ou qui y incitent. Cette disposition est appliquée de la même manière que celle déjà prévue concernant les sites pédopornographiques. Ainsi, les opérateurs Internet devraient avoir l’obligation d’inscrire dans la liste de leurs contenus illicites l’incitation et l’apologie du terrorisme. Par ailleurs, la circonstance aggravante de bande organisée est ajoutée aux délits de piratage informatique.
Perquisition des «clouds»
Pour s’adapter aux nouvelles techniques de stockage de données, les policiers vont pouvoir perquisitionner les «clouds», ou «nuages». Le texte précise que les règles de la perquisition s’appliquent «si les données stockées sont accessibles à partir d’un système informatique implanté dans les services de police ou unité de gendarmerie».
Capter les discussions sur Skype
Les policiers auront le droit d’intercepter et d’enregistrer les discussions sur les logiciels d’appels téléphoniques sur Internet, tels que Skype. Jusqu’à présent, ils pouvaient capturer l’activité de l’écran mis sous surveillance mais ils ne pouvaient pas retranscrire sur procès-verbal les communications passées par les périphériques audiovisuels.