Un «Macbeth» grandiose pour les 50 ans du Théâtre du Soleil
Le Théâtre du Soleil a présenté mercredi sa première grande production depuis 4 ans, un "Macbeth" grandiose qui mobilise toute la troupe fondée il y a cinquante ans par Ariane Mnouchkine sous forme de coopérative ouvrière.
Ariane Mnouchkine, 75 ans, renoue ainsi avec le cycle des Shakespeare créés de 1981 à 1984 (Richard II, La Nuit des rois, Henri IV). Dans les années 90, un cycle des Atrides puisait également aux sources du théâtre mais, depuis, la troupe s'était lancée dans de grandes créations contemporaines, souvent écrites par Hélène Cixous. La dernière création, suivie d'un film, "Les Naufragés du fol espoir", remonte à 2010.
Le spectacle affiche déjà complet jusqu'au 31 mai.
"C'est une sorte d'apothéose", avait confié Hélène Cixous à l'AFP pendant les répétitions, tout en gardant le secret absolu sur la teneur du spectacle. "Ariane interdit absolument de dévoiler la moindre chose". Le spectateur est d'abord ébloui par le vaste hall d'entrée de la salle de théatre, décoré du sol au plafond de reproductions, peintes à la main, des affiches historiques de "Macbeth" entourant un gigantesque portrait de Shakespeare.
- "Macbeth, un homme qui se méfie de la pensée" -
"Justement ce qui est intéressant quand on lit Macbeth, c'est une des pièces de Shakespeare parmi les plus restreintes, une pièce forte mais mince. On a une sorte d'image cliché de Macbeth qui est une histoire dans un château, Ariane lui a rendu sa magnitude, son énormité, sa dimension universelle et sa force criminelle".
Parfois, l'imagerie médiatique des conflits et dictateurs contemporains affleure, autour d'uniformes et de bruits d'hélicoptères sur fonds de salons impersonnels de réception d'aéroport.
Ce "Macbeth" devrait d'ailleurs être suivi d'un Macbeth contemporain, écrit par Hélène Cixous, "une sorte de Macbeth aujourd'hui qui serait dans l'actionnement des machines politiques, mais avec des traits contemporains, la corruption, le moteur du politique, la dérive morale, la dérive économique."
Macbeth, "un des personnages les plus maléfiques de tout le théâtre", rappelle Ariane Mnouchkine dans la présentation de la pièce, sombre dans la folie après un cycle meurtrier initié par l'assassinat du roi Duncan, à la suite d'une prophétie de trois sorcières.
Pour Ariane Mnouchkine, l'ambition n'est pas une explication suffisante, "pas plus que ce n'est suffisant de se dire que l'amour de l'argent explique la goinfrerie de notre époque". "Il y a une maladie, une pathologie chez Macbeth qu'il ne connaît pas lui-même, et que, tout à coup, il découvre, et à laquelle il cède avec une ivresse, et j'allais dire, une bêtise très étonnante".
C'est un homme qui dit à un moment "la prochaine fois, j'agirai sans réfléchir". (...) Voilà quelqu'un qui au fond, se méfie de la pensée. c'est donc très grave. Et ce qu'il fait, ce qui lui arrive et ce qui arrive, c'est qu'il va jusqu'à troubler l'ordre-même de la nature".