Le parcours du combattant de Céline, qui va adopter les enfants de sa femme

TEMOIGNAGE Céline Cester, qui vit en région parisienne, a déposé un dossier pour pouvoir adopter les deux enfants qu’elle a eus avec son épouse par PMA à l’étranger, comme le permet la loi sur le mariage pour tous. Elle raconte...

Faustine Vincent
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Une enfant tient la main de sa mère à l'école, le 4 septembre 2012 à Marseille (Bouches-du-Rhône).
Une enfant tient la main de sa mère à l'école, le 4 septembre 2012 à Marseille (Bouches-du-Rhône). — ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

La loi sur le mariage pour tous, qui ouvre le droit au mariage et à l’adoption par des couples homosexuels, aura un an le 23 avril. Céline Cester, «parent social» des deux enfants qu’elle a eus avec sa compagne, raconte son parcours pour pouvoir les adopter.

«Je vis avec ma compagne depuis six ans. On a deux enfants de 3 ans et 9 mois, conçus en Belgique par PMA de donneur inconnu, qu’elle a portés. On s’est mariées en novembre. On l’a fait vite pour pouvoir monter des dossiers d’adoption, sinon on aurait attendu un peu – la date du mariage ne nous arrangeait pas.

«Pour l’instant, d’un point de vue juridique, je ne suis rien pour mon fils»

Pour mon aînée [avant la loi sur le Mariage pour tous], j’avais déjà fait une demande de délégation d’autorité parentale, que j’ai obtenue un an et demi plus tard. Ça n’établit pas de lien de filiation entre ma fille et moi – c’est un peu bizarre de dire ça – mais ça me permet de signer les autorisations de sortie scolaire, par exemple. Pour mon fils, vu les longs délais, j’ai préféré demander tout de suite une adoption. Pour l’instant, d’un point de vue juridique, je ne suis rien pour lui. Je ne vis pas ça très bien. S’il arrive quelque chose à ma femme, qui fait un métier à risque, ce sera très compliqué légalement.

On a fait deux dossiers de demande d’adoption plénière, un pour ma fille et l’autre pour mon fils. On a entendu parler des cas où le procureur de la République a rendu un avis négatif, mais on est confiantes, parce que le tribunal de grande instance de Créteil, auquel on est rattachées, a déjà donné son feu vert pour des couples dans notre situation. A priori, on ne sera pas convoquées à une audience. On doit recevoir la décision dans les semaines à venir.

>> Lire l’article Mariage pour tous: Des disparités dans l’adoption par les couples homosexuels

«C’est très intrusif»

Pour monter le dossier il a fallu donner énormément de documents pour prouver que je m’occupe bien de mes enfants et que j’ai une place auprès d’eux. On a aussi eu une enquête de police et on a dû demander à nos proches de faire une attestation pour prouver qu’il y a un lien affectif entre mes enfants et moi. C’était difficile pour eux comme pour nous: c’est tellement une évidence! Mais on a eu de belles surprises. Certains ont décrit ma fille qui s’endort dans mes bras, ou qui court vers moi pour se faire consoler après s’être fait un bobo…

Ce qui m’a le plus gênée c’est de mettre des photos dans le dossier, comme on nous a recommandé de le faire. C’est censé être un dossier très administratif, or au final on a vraiment exposé notre vie intime: photos, relevés de compte, titre de propriété de l’appartement, etc., en plus de l’enquête de police. C’est très intrusif.

Il fallait aussi fournir l’accord des grands-parents biologiques, qui sont divorcés. Ça me gêne un peu, parce qu’on s’en fiche en soi qu’ils soient d’accord ou pas, ça nous concerne d’abord nous quatre. Mais mon beau-père a été de bonne volonté et très bienveillant. Pour ma belle-mère, c’était plus compliqué. On n’a pas demandé son avis parce que ma femme n’est plus en contact avec elle. Elle l’a expliqué dans une lettre. On espère qu’on ne sera pas pénalisées parce qu’on ne l’a pas sollicitée…

Notaire mal informée

Le passage chez la notaire a été assez compliqué, parce qu’elle n’était pas au courant des démarches. Elle voulait nous faire signer des documents pour une adoption simple, soutenant que sinon ça enlèverait ses droits à ma compagne. Or c’est faux. Heureusement qu’on était au courant, car le manque d’informations aurait pu être embêtant.

La plupart des gens à qui on a parlé du dossier d’adoption nous ont dit: «Bah vous êtes mariées, ça suffit pas?». On se dit: mais où vous étiez pendant les débats? On a supporté tout ça pour rien, parce que les gens ne savent pas que non, le mariage [condition sine qua non pour que les couples homosexuels puissent adopter] ne suffit pas, il faut encore prouver qu’on est de bons parents.

L’adoption de mes enfants représentera l’aboutissement d’un long parcours. Après le mariage, et avec l’adoption, je serai reconnue comme légitime aux yeux des autres. Faire les dossiers a été contraignant et difficile. D’autant que si on fait un troisième enfant, il faudra tout recommencer. Mais ce n’est pas ça qui nous refroidira.»