Mammographie: La polémique relancée par une nouvelle étude

DEPISTAGE L'intérêt des campagnes annuelles de dépistage du cancer du sein est remis en cause...

20 Minutes avec AFP
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Une femme passe une mammographie.
Une femme passe une mammographie. — WIDMANN PETER/TPH/SIPA

La pratique de  mammographies annuelles ne permet pas de réduire la mortalité par cancer  du sein, selon une étude canadienne qui relance la polémique autour de  l'intérêt des campagnes de dépistage organisé.

Réalisée sur près de 90.000 femmes âgées de 40 à 59 ans,  suivies  pendant 25 ans, l'étude a montré que les femmes qui avaient subi  des mammographies  annuelles pendant cinq ans n'avaient pas moins de  risque de mourir  d'un cancer du sein que celles ayant seulement  bénéficié d'un examen  physique. Au bout de 25 ans, 500 décès par cancer du sein étaient   survenus chez les 44.925 femmes suivies par mammographies contre 505   décès chez les 44.910 femmes du groupe témoin.

Les tumeurs du sein détectées étaient en revanche plus  nombreuses  dans le 1er groupe, soit 3.250 au total contre 3.133 dans le  second à  la fin de l'étude.Le déséquilibre était déjà net au bout de cinq ans,  avec 666  cancers détectés chez les femmes sous mammographies contre 524  dans le  groupe témoin, soit un «excédent» de 142 tumeurs.

Le surdiagnostic pointé du doigt

Cet «excédent» était encore de 106 tumeurs au bout de 15 ans,  ce  qui, selon les auteurs, «signifie que 22% des cancers diagnostiqués   dans le premier groupe ont été surdiagnostiqués». Les tumeurs étaient de  surcroît plus petites (1,4 cm dans le  premier groupe contre 2,1 cm  dans le second) au moment du diagnostic.

Le surdiagnostic  fait référence à la détection de très  petites tumeurs qui n'auraient  pas eu d'impact du vivant de la personne  concernée. En se fondant sur  des études montrant une baisse de la  mortalité, de nombreux pays  occidentaux ont mis en place des programmes  de dépistage organisé du  cancer du sein. En France par exemple, le  programme s'adresse à toutes  les femmes âgées de 50 à 74 ans qui sont  invitées à faire des  mammographies tous les deux ans, prises en charge à  100% par  l'Assurance maladie.

Le dépistage systématiques controversé

Mais d'autres études sont plus contradictoires : selon une  étude de  la Collaboration Cochrane, publiée pour la première fois en  2000 et  régulièrement réévaluée depuis, le taux de mortalité des femmes   dépistées ne serait guère différent de celui des autres femmes. Une  étude britannique publiée en 2012 avait au contraire  estimé que le  dépistage organisé du cancer du sein sauvait des vies mais  entraînait  un surdiagnostic estimé à près de 20% des cancers dépistés.

S'exprimant en septembre dernier, le Dr Jérôme Viguier, le  directeur du Pôle santé publique et soins de l'Institut national du  cancer  (INCa-France) avait pour sa part estimé que la controverse était   «scientifiquement réglée». Il avait ajouté que selon les dernières   études, les programmes de dépistage organisé avaient permis de réduire   la mortalité par cancer du sein de 15 à 21% et d'éviter 150 à 300 décès   pour 100.000 femmes participant de manière régulière au dépistage   pendant 10 ans. «Nos résultats rejoignent les vues de certains  commentateurs  qui estiment que les politiques de dépistage par   mammographies  devraient être revues» dans les pays développés, estiment  les auteurs de  l'étude canadienne. Mais selon eux, la chose ne sera  pas facile «parce que les  gouvernements, les organismes de financement  de la recherche, les  chercheurs et les médecins peuvent avoir intérêt à  poursuivre des  activités qui sont bien établies».