Le délicat sujet de l’accueil des mineurs isolés étrangers arrive au Parlement

POLITIQUE Des sénateurs s’alarment de l’existence de «filières manifestement mafieuses» et demandent à l’Etat de prendre en charge le sujet...

Enora Ollivier
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Des mineurs étrangers isolés dans un lieu d'accueil et d'orientation (LAO) de la Croix-Rouge
Des mineurs étrangers isolés dans un lieu d'accueil et d'orientation (LAO) de la Croix-Rouge — Mehdi Fedouach AFP

Un sujet brûlant. Avec plus de 8.000 mineurs isolés étrangers officiellement accueillis chaque année, les départements sont saturés. Le Sénat examine ce mercredi une proposition de loi prévoyant de transférer à l’Etat la compétence d’accueil de ces jeunes. Jusqu’ici, cette prise en charge est assurée par les Conseils généraux, dans le cadre de la protection de l’enfance.

Au coeur du problème: un «détournement de notre législation de protection de l’enfance» par des «filières manifestement mafieuses», explique le sénateur UDI de la Mayenne Jean Arthuis, à l’origine du texte. Car ces «mineurs isolés étrangers», «de plus en plus nombreux à se présenter sur le territoire», «sont en fait pour beaucoup des jeunes majeurs», affirme l’élu, qui évoque un «flux migratoire clandestin» parallèle. 

«Il ne faut pas s’imaginer un système international»

«Attention aux fantasmes», prévient de son côté Pierre Henry, le directeur de France Terre d’asile, qui, s’il reconnait que ces «filières mafieuses» peuvent exister, estime qu’il ne faut pas «s’imaginer un système international». «Une des principales filières, c’est l’Eglise, qui cherche à protéger ses fidèles!», lâche-t-il, évoquant également la «solidarité familiale». Il rappelle par ailleurs que l’analyse osseuse, qui est «le dispositif officiel pour déterminer la minorité», est «contestable et contestée». Ce test, «qui date du début du XXe siècle», est loin d’être précis et rend des résultats avec des «incertitudes de 18 mois».

Toujours est-il que le sujet «ne relève pas d’une compétence départementale mais nationale voire européenne», considère Jean Arthuis. C’est à l’Etat de «prendre en charge l’évaluation de ces jeunes», notamment pour déterminer leur âge, poursuit le sénateur, également président du Conseil général de Mayenne.

«Pas digne de notre République»

Jean Arthuis veut via cette proposition de loi «tirer la sonnette d’alarme». A l’été 2013, il avait déjà mis en garde le gouvernement en prenant un arrêté de suspension d’accueil de ces jeunes dans son département. Il avait été suivi par les Conseils généraux de Moselle, du Loiret et de Côte d’Or. Les élus dénonçaient également les coûts de leur prise en charge pour leur collectivité: «10% du budget de l’enfance» en 2013, estimait ainsi François Sauvadet, le président (UDI) du Conseil général de Côte d’Or.

Le ministère de la Justice a pourtant établi en mai 2013 un «protocole de protection» des mineurs isolés étrangers. Ce dispositif stipule que l’Etat prend en charge financièrement les mineurs pendant les cinq jours qui suivent l’identification de leur statut, permettant une meilleure répartition des jeunes et d’éviter leur concentration en région parisienne et dans l’Est.