Le serpent de mer de la Charte des langues régionales de retour à l’Assemblée

SOCIÉTÉ e proposition de loi constitutionnelle doit être votée ce mardi. Mais le chemin de la ratification est encore long...

E.O.
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Illustration: Un drapeau breton.
Illustration: Un drapeau breton. — M. Gile/Sipa

C’est un texte vieux de 22 ans qui va faire l’objet d’un vote ce mardi à l’Assemblée. Les députés doivent se prononcer sur une proposition de loi qui vise à lever les blocages constitutionnels empêchant la ratification de la Charte européenne des langues régionales.

Rédigé en 1992, ratifié par 25 membres du Conseil de l’Europe, ce texte visant à protéger et promouvoir l’emploi des langues «régionales ou minoritaires» est gelé en France depuis 1999. Cette année-là, le Conseil constitutionnel a jugé cette charte contraire à l’article 2 de la Constitution qui indique que «la langue de la République est le français».

Référendum ou Congrès

Treize ans plus tard, le candidat Hollande a fait de la ratification de la Charte un engagement de campagne –promesse que l’actualité sociale en Bretagne à l’automne a remis sur le devant de la scène.

L’enjeu de ce vote est tout à la fois stratégique et symbolique. Stratégique car s’il est favorable, il ne servira qu’à marquer un rapport de force. Pour pouvoir ratifier la charte, il faut modifier la Constitution. Mais une proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Parlement doit être validée…par un référendum. Or, ce scrutin qui tourne généralement au plébiscite sur la personne du chef de l’Etat est inenvisageable alors que la cote de popularité de François Hollande est au plus bas. 

Le vote qui survient à l’Assemblée permettra surtout aux parlementaires pro-charte de se compter. Et d’encourager l’exécutif à prendre le sujet en main: un projet de loi constitutionnelle –c’est-à-dire un texte à l’initiative du gouvernement– peut être ratifié par le Congrès, avec le vote des 3/5 des parlementaires.

Des «dangers pour l’unité de la communauté légale»

Le vote touche également au symbolique puisque la décision du Conseil constitutionnel de 1999 n’a  de toute façon pas empêché les collectivités de promouvoir les langues régionales. Les médias locaux proposent ainsi des programmes en alsacien, basque, breton, corse, occitan… Et l’enseignement bilingue se développe dans les régions, dans des écoles privées ou de statut associatif.

Mais cela s'est fait «sans statut légal», selon le député socialiste du Finistère Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du texte. «Signalétique ou livrets de famille bilingues, subventions aux écoles associatives... La prise d'initiative la plus anodine peut déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux. Il faut évacuer ce genre de petites contrariétés», expliquait-il devant l'Association des journalistes parlementaires la semaine dernière.

«Petites contrariétés»… mais fortes oppositions. Une partie de la classe politique y voit une menace sur l’indivisibilité de la République. Les députés UMP à l’Assemblée devraient ainsi voter pour un statu quo, «même s’il y aura quelques votes différents pour des raisons régionales» selon leur chef de file Christian Jacob.  Jean-Luc Mélenchon, pour qui le texte contient des «dangers pour l’unité de la communauté légale que constitue notre République», juge qu'une ratification n’est par ailleurs pas nécessaire puisque «la République protège» déjà les langues régionales. De son côté, le Front national voit dans la charte un texte qui «consacrerait la balkanisation de notre pays et le triomphe du communautarisme». Elle «serait systématiquement utilisée devant les tribunaux européens contre la République française, son unité et sa langue nationale», selon le vice-président du parti, Florian Philippot.