La charte sur les langues régionales à l'Assemblée... quinze ans après

POLITIQUE La France l'a signée en 1999 mais elle ne l'a jamais ratifiée...

20 Minutes avec AFP
— 
Illustration: Un drapeau breton.
Illustration: Un drapeau breton. — M. Gile/Sipa

Quinze ans après avoir été signée avec réticence par une France  jacobine, la Charte européenne des langues régionales  arrive mercredi à  l'Assemblée, sous la forme d'une proposition de loi  constitutionnelle  qui vise d'abord à vérifier l'existence d'une majorité  pour la  ratifier.

Cette charte, destinée à protéger et à promouvoir l'emploi des  langues régionales  ou minoritaires (dans l'enseignement, les médias,  les services  administratifs, etc), date de... 1992. Sur les 47 Etats  membres du  Conseil de l'Europe, 33 l'ont signée et 25 l'ont ratifiée La  France l'a signée en 1999 mais elle ne l'a jamais ratifiée. Le processus a été gelé après une décision du Conseil   constitutionnel de juin 1999 estimant la charte contraire à l'égalité   devant la loi de tous les citoyens d'une part et au fait que «la langue   de la République est le français» (article 2 de la Constitution).

L'application en pratique du contenu  de la charte n'a pas été empêchée

Cette décision n'a pas empêché l'application en pratique du contenu  de la charte, à savoir la promotion des langues régionales (basque,  breton, catalan, corse, alsacien, créoles d'outremer, etc). Mais celle-ci s'est faite essentiellement sous l'impulsion  des  collectivités locales et surtout «sans statut légal», selon le   rapporteur de la proposition de loi, le socialiste (breton) Jean-Jacques   Urvoas. «Signalétique ou livrets de famille bilingues, subventions aux   écoles associatives... la prise d'initiative la plus anodine peut   déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux», note-t-il.

«Paradoxalement la France défend la richesse culturelle hors  de ses  frontières alors qu'elle ferme les yeux sur celle de son propre   territoire. Comment réagirait notre pays si le Canada décidait que son   administration ne devrait plus pratiquer partout que l'anglais ?»   s'interroge l'écologiste (breton) Paul Molac. Promise par le candidat François Hollande, la ratification a  été  relancée par Jean-Marc Ayrault en décembre au moment de la crise   bretonne et via le dépôt d'une proposition de loi socialiste pour   réviser la Constitution.

Le texte stipule que «la République peut ratifier la Charte»  et est  complétée d'une «déclaration interprétative» pour tenir compte  des  objections du Conseil constitutionnel. Celle-ci rappelle «l'égalité de tous les citoyens sans  distinction  d'origine, de race ou de religion» et que «l'usage du  français s'impose  aux personnes morales de droit public et aux personnes  de droit privé  dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi  qu'aux usagers  dans leurs relations avec les administrations et services  publics». «Il s'agit à la fois de s'assurer d'un dispositif solide   juridiquement et de présenter un texte consensuel susceptible de   rassurer les plus rétifs de nos collèges», selon M. Urvoas.

Les groupes politique divisés

A l'exception des écologistes, aucun groupe ne semble unanime  sur la  question. Apparentée au groupe socialiste, l'une des trois   chevènementistes, Marie-Françoise Bechtel, se dit hostile à toute   «fragmentation» de la République. L'opposition la plus forte devrait venir de l'UMP où «la  position du  groupe est de rester à la Constitution telle qu'elle est,  même si il y  aura quelques votes différents pour des raisons régionales»,  selon  leur chef de file Christian Jacob. Le radical de gauche (corse)  Paul  Giacobbi compte néanmoins sur «50 à 80 députés UMP» favorables.

Les socialistes ont demandé un vote solennel, qui aura lieu le 28 janvier, pour permettre aux députés de se compter. Il s'agit de vérifier si le texte peut être approuvé par les  trois  cinquièmes des parlementaires (députés et sénateurs), seuil  nécessaire  pour modifier la Constitution par la voie du Congrès (réunion  des deux  chambres à Versailles). S'il apparaît que la majorité des trois cinquièmes peut être   atteinte, le gouvernement proposera alors lui-même ...un projet de loi   constitutionnelle.

Pourquoi cette démarche ? Parce que, pour réformer la  Constitution,  les textes déposés par des parlementaires doivent être  obligatoirement  approuvés par référendum alors que ceux présentés par le  gouvernement  peuvent être adoptés soit par le Congrès, soit par  référendum.

Le gouvernement n'ayant aucune intention d'organiser un  référendum,  la proposition de loi ne vise donc qu'à «tâter le terrain».  «Cela  obligera à reprendre tout le processus», a regretté l'UMP (breton)  Marc  Le Fur. Et «quand on connait les impondérables de la vie   parlementaire...».