Retour du matricule: La mesure passe mal chez les policiers

SECURITE Policiers et gendarmes vont devoir porter cette identification à partir du 1er janvier 2014...

20 Minutes avec AFP
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Illustration: Un policier, police française.
Illustration: Un policier, police française. — BORIS HORVAT / AFP

La réforme, pourtant annoncée depuis un certain temps, ne passe toujours pas. Dans moins d'une  semaine, les policiers et gendarmes porteront sur leur uniforme un  numéro de matricule, une mesure censée améliorer le lien avec la  population. Mais elle passe mal auprès des policiers et leurs syndicats qui la  jugent «stigmatisante».

C'était l'une des promesses du candidat à la présidence de la  République François Hollande afin de lutter contre les contrôles  d'identité abusifs, notamment les contrôles «au faciès».

 
Après avoir abandonné l'idée de la remise d'un récépissé  après chaque contrôle, dispositif souhaité par de nombreuses  associations, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a tranché pour le  retour du matricule, abandonné il y a une vingtaine d'années et suggéré  par le défenseur des droits Dominique Baudis en octobre 2012.

Les modalités de port de ce «numéro d'identification  individuel» ont été précisées dans un arrêté publié vendredi au Journal  officiel.

Une fronde?

Mais voilà, le matricule, porté sous forme de scratch sur les  uniformes et sur les brassards pour les policiers en civil, est très  loin d'être accepté par la base qui y voit le signe d'une «stigmatisation» de son travail, selon les syndicats de police.

Chose assez inédite, tous les syndicats de police, toutes  tendances confondues - gardiens de la paix, officiers et commissaires - se  sont prononcés contre cette mesure le 13 décembre en rejetant le projet  d'arrêté relatif au matricule lors d'une réunion technique. Ce vote  n'avait qu'une valeur consultative, mais il a donné le pouls du malaise  qui touche les forces de l'ordre sur le sujet.

«Si ce n'est pas une fronde, cela y ressemble fortement», a résumé une source proche du dossier. «Les policiers sur le terrain, considèrent qu'ils font un  travail républicain et suffisamment contrôlé. La base ne veut pas de ce  matricule. Elle le vit mal», assure Jean-Claude Delage, secrétaire  général d'Alliance (2e syndicat des gardiens de la paix).

«Pas un signe de défiance» pour Manuel Valls

«Cela peut les blesser, les démotiver et les démobiliser. Les  policiers, rendent déjà compte et quand ils fautent, ils sont  sanctionnés. Le ministère de l'Intérieur a cédé au lobbying de certaines  associations», a-t-il estimé.

Le matricule s'inscrit dans le nouveau code de déontologie  commun à la police et à la gendarmerie voué à rapprocher la police de la  population, qui entre en vigueur lui aussi le 1er janvier 2014 et  préconise notamment le vouvoiement lors des contrôles.

«L'identification des policiers n'est pas un problème en soi,  mais on doute qu'elle soit déterminante dans le rapprochement  police-population», explique Mohamed Douhane, secrétaire général adjoint  de Synergie (2e syndicat des officiers). «On pense également que le  contexte ne s'y prête pas, avec une montée des violences contre les  forces de l'ordre depuis une vingtaine d'années».

Le matricule «pourrait aussi être utilisé comme un facteur de  déstabilisation des policiers notamment dans les quartiers sensibles»,  prévient-il.

«Une mauvaise réponse à une bonne question»

Quelques jours après le vote de défiance des syndicats,  Manuel Valls a tenté de remettre un peu d'ordre et de répondre à cette  grogne. Il a assuré le 20 décembre que ce retour du matricule n'était  pas «un signe de défiance» à l'égard des forces de l'ordre tout en  ajoutant, dans une mise en garde à peine voilée, qu'il souhaitait bien  que ce matricule soit porté.

«Pour nous cela reste une mauvaise réponse à une bonne  question», suggère Nicolas Comte, porte-parole d'Unité-SGP (1er syndicat  des gardiens de la paix). Il faut trouver des dispositifs pour combler  la fracture qui existe entre la police et la population. Mais la  mauvaise réponse, c'est de montrer que la fracture est de la faute du  policier». Pour lui, «la fracture est liée à la politique du chiffre, à la judiciarisation à outrance».

Un avis que ne partage pas Pierre Mairat, coprésident du  Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap),  l'une des associations en pointe de la lutte contre les contrôles au  faciès, qui a qualifié de «demi-victoire» l'apposition de ce matricule,  disant espérer que cela «limite les abus».