Pénalisation des clients de prostituées: «Cette loi me met la corde au cou»

PROSTITUTION La colère des «tradi» face à la proposition de loi visant à sanctionner les clients

20 Minutes avec AFP
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Manifestation des prostituées contre la pénalisation  de la prostitution et la répression policière des clients à Paris le 7 décembre 2011.
Manifestation des prostituées contre la pénalisation de la prostitution et la répression policière des clients à Paris le 7 décembre 2011. — A. GELEBART / 20 MINUTES

De la rue Saint-Denis au Bois de Boulogne, les prostituées   «traditionnelles» parisiennes s'insurgent contre la proposition de loi   visant à sanctionner leurs clients, qui leur «met la corde au cou», même   si certaines restent persuadées que «les clients ne disparaîtront  pas».

Des clients déjà refroidis

Dans son coquet studio d'un passage de la rue  Saint-Denis, haut lieu  de la prostitution dans la capitale, Priscilia  déprime: depuis que ses  clients ont entendu parler du projet de les  sanctionner d'une amende,  la quasi-totalité ont déjà pris la fuite. «J'ai perdu 80% de mon chiffre  d'affaires», se désole  cette blonde platine d'une quarantaine d'année,  micro-short noir,  résilles et blouson de fourrure masquant à peine une  très forte  poitrine. «Les clients me disent,  je t'aime bien, mais  j'ai  peur ». L'un d'eux lui a avoué qu'il se rendait désormais dans les   salons de massages chinois, plus discrets. «Cette loi me met la corde  au  cou, elle me tue».

Pour Nanou, 46 ans dont 17 ans de prostitution, qui  officie rue  Blondel dans le même quartier, «quoi qu'il arrive, je  resterai là».  «J'ai un crédit, deux enfants qui font des études, et des  impôts à  payer», raconte cette femme blonde en mini-jupe léopard qui  est  déclarée, «comme toutes les filles de Saint-Denis», en tant que   «profession libérale». «Un homme ça reste un homme. Mes clients  réguliers  m'appelleront ou monteront directement dans mon studio, ce  sera  discret». Mais les clients de passage, qui représentent 50 à 60%  de sa  clientèle, «n'oseront plus s'arrêter», regrette Nanou.

«Les clients  ne disparaîtront pas»

«Nous on n'est pas victimes de réseaux, on est là parce  qu'on le  veut. Pourquoi vient-on nous parler de réinsertion ?»,  insiste-t-elle.  Laetitia, 39 ans, superbe rousse habillée de rouge et  maquillée d'un  rectangle noir autour des yeux, est prête à «se mettre  sur internet ou  passer des annonces dans les journaux», car «les clients  ne  disparaîtront pas».

Les «tradi» représenen 15% des prostituées

Comme toutes les «tradi», qui représentent environ 15%  des 20.000  prostituées estimées en France, elle distingue entre les   «indépendantes», comme elle, et les «filles victimes de réseaux»,   souvent étrangères, qui «vont être déplacées» par leur proxénète. «Les   premières qui vont trinquer c'est nous, plus faciles à trouver». C'est  ce que pense aussi Corinne, petite brune aux  cheveux longs de 56 ans  qui exerce au Bois de Boulogne dans sa voiture.  Elle a choisi de «tout  liquider» et de «s'en aller sous des cieux plus  cléments», en Suisse ou  en Allemagne où la prostitution est réglementée.

La prostitution «m'a apporté beaucoup de satisfaction»,  dit-elle,  mais «je n'ai pas envie de rentrer dans la clandestinité ni de  me faire  trucider au fond du bois». Les clients «vont continuer à chercher à  pallier leurs  besoins sexuels. Ils comparent ça à l'interdiction  d'excès de vitesse  sur la route. Il faut juste ne pas se faire  prendre».

Rouvrir les maisons closes

C'est bien l'intention de Kamel, 50 ans, avocat et client  de  prostituées depuis trois ans. Divorcé, il reconnaît deux à trois   rencontres tarifées par mois. «L'homme a besoin d'un certain équilibre   sexuel», justifie-t-il. Fréquentant peu les prostituées de rue, il n'est  «pas  inquiet» d'une possible pénalisation. Selon lui, une large partie  des  filles «échappent à la vigilance de la police», comme «celles qui  font  ça à titre privé, par internet», celles qui louent un meublé ou   s'installent à l'hôtel pour de courtes durées, avant de changer de pays   pour certaines. Sans compter «le bouche-à-oreille», «le relationnel»,  qui  permet de rencontrer «des filles, que je reçois chez moi ou que je   retrouve à l'hôtel, ni vu ni connu».