La scolarité souvent accidentée des enfants précoces

Delphine Bancaud
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Deux étudiants s'ennuient en classe.
Deux étudiants s'ennuient en classe. — PureStock/SIPA

Pas facile de mener une scolarité normale lorsqu’on est un enfant précoce. «Certains d’entre eux ont souvent des connaissances en gruyère car ils ont vécu sur leurs acquis et n’ont pas appris à faire d’efforts», explique Monique de Kermadec, psychologue et psychanalyste, qui publie un ouvrage sur le sujet jeudi*. «Ils ont souvent tendance à s’ennuyer à l’école donc se désinvestissent peu à peu de leur scolarité, ce qui explique qu’un tiers d’entre eux environ se retrouve en situation d’échec», ajoute Vlinka Antelme, présidente de l’Association française pour les enfants précoces.

Une situation que connaît bien Christel, la mère de Maurine, 9 ans. «Quand ma fille est passée en CP, elle est devenue très turbulente et faisait semblant de dormir car elle s’ennuyait. Sa maitresse l’a prise en grippe car elle ne comprenait pas son comportement.» Une situation qui s’arrange lorsque Maurine est détectée précoce avec un QI à 149 et qu’elle obtient un passage en CE1.

Des difficultés rencontrées aussi par Jean, en CM2 à 9 ans. «Mon fils se demande à quoi sert l’école car il s’y ennuie. Il se met souvent en mode off en classe. A force de ne pas être stimulé, il n’a pas le goût de l’effort. Et quand les exercices sont trop simples pour lui, il fait des étourderies. A force, je m’inquiète pour son avenir», confie Stéphanie, sa maman. 

Les enseignants pas toujours sensibilisés

Autre souci à l’école pour les enfants précoces selon Monique de Kermadec: «certains enseignants ne voient pas ou ne veulent pas voir la précocité, car ils n’y ont pas été sensibilisé. D’où les difficultés parfois pour ces enfants de sauter une classe. Par ailleurs, dans des classes à fort effectif, il n’est pas toujours facile de diversifier les pédagogies pour s’adapter à ces élèves». Un parcours du combattant que raconte Thierry, le père d’Agathe, une enfant détectée précoce à 5 ans: «La psychologue suggérait un saut de classe en CP pour ma fille, mais la maîtresse estimait qu’Agathe n’était pas assez mure. Et la directrice de l’école pensait que l’on voulait lui faire prendre de l’avance alors qu’on souhaitait juste qu’elle ne soit pas en échec. Il a fallu que l’on passe par une commission de l’Education nationale pour obtenir son aval».

Des bâtons dans les roues qui peuvent aussi provenir des petits camarades, comme le souligne Stéphanie, la mère de Jean. «Mon fils n’a pas d’amis à l’école, il se fait traiter d’intello car il a un vocabulaire d’adulte. Il se sent différent des autres et il n'est pas heureux.» 

Pourtant pour mieux accompagner la scolarité des enfants précoces, l’Education nationale a pris quelques mesures. En 2012, un référent sur le thème de la précocité intellectuelle a été nommé dans chaque académie pour répondre aux attentes des familles. Et à cette rentrée, chaque enseignant accueillant dans sa classe un élève précoce aura à sa disposition sur Éduscol un module de formation spécifique. Un début.

*Le petit surdoué de 6 mois à 6 ans, Monique de Kermadec et Sophie Carquain, Albin Michel, 13, 50 euros.