Le délicat contrôle des femmes intégralement voilées

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Les contrôles des femmes intégralement voilées se passent souvent sans incident, mais dérapent dans certains cas, comme à Trappes (Yvelines) : les femmes évoquent alors les propos parfois injurieux des policiers, qui de leur côté soulignent la difficulté de cette mission.
Les contrôles des femmes intégralement voilées se passent souvent sans incident, mais dérapent dans certains cas, comme à Trappes (Yvelines) : les femmes évoquent alors les propos parfois injurieux des policiers, qui de leur côté soulignent la difficulté de cette mission. — Michel Gangne AFP

Les contrôles des femmes intégralement voilées se passent souvent sans incident, mais dérapent dans certains cas, comme à Trappes (Yvelines) : les femmes évoquent alors les propos parfois injurieux des policiers, qui de leur côté soulignent la difficulté de cette mission.

«Tu n'as rien à faire en France», «Tu devrais avoir honte, tu n'es qu'un fantôme ambulant», «On ne te laissera jamais tranquille»: voilà des phrases que Sara, 29 ans, qui vient d'écoper de sa huitième amende pour port d'un voile intégral, a déjà entendues à l'occasion d'un contrôle, confie-t-elle à l'AFP lundi.

«Les trois quarts du temps, cela se passe sans aucun problème, mais le reste du temps, je tombe sur des policiers aux propos très violents, dont certains sont déjà allés jusqu'à faire peur à mes enfants», raconte cette habitante de Guebwiller (Haut-Rhin). 

Cette musulmane de 29 ans, qui affirme avoir décidé seule de porter la «burqa» depuis deux ans, précise qu'elle ne refuse jamais de donner sa carte d'identité et de soulever son voile «même devant un homme» lorsqu'elle est contrôlée. «Je sais que ce que je fais est hors-la-loi, donc j'accepte le contrôle, mais j'aimerais que les policiers fassent simplement leur boulot  et qu'ils m'épargnent leurs commentaires».

Même constat pour Samia, 47 ans, qui habite Roubaix (Nord): «je tombe de plus en plus souvent sur des policiers agressifs, même si ce n'est pas la majorité et donc maintenant, dès que je vois la police, j'ai peur». 

Pour elle, «on nous traite comme des délinquantes pour un simple bout de tissu, c'est insupportable, on veut nous ôter notre liberté».

«Je trouve ça fou, car je vais régulièrement en Espagne et au Portugal et je me sens mieux acceptée là-bas avec mon voile qu'ici, où beaucoup de gens m'insultent. Depuis le vote de la loi, les gens se permettent beaucoup plus de choses, des remarques racistes, des gestes violents ou même parfois de nous cracher dessus», déplore-t-elle.

«Contrôles très délicats»

«Les victimes subissent un double préjudice : la violence verbale et parfois physique, puis le passage systématique du statut de victime à celui de bourreau. Le racisme, l’islamophobie sont alors institutionnalisés et légitimés», dénonce le collectif contre l'islamophobie en France, une assocition militante.

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a reconnu lundi que «parfois ces contrôles se font avec difficultés».

Pour les policiers, «ce sont des contrôles très délicats, parce que cela touche un sujet sensible: la religion, et que cela concerne toujours des femmes», explique Nicolas Comte, porte-parole du syndicat de police Unité-Sgp FO, premier syndicat des gardiens de la paix. De plus, cela se passe «souvent dans des zones dites sensibles, avec un environnement qui a tendance  à prendre fait et cause pour la femme contrôlée» ou cherche à faire «dégénérer» le contrôle, ajoute-t-il.

«On assiste, dans certaines zones, à une stratégie de contrôle de territoire, un peu sur le même modèle que le trafic de stupéfiants. On essaie de décourager la présence policière afin de pouvoir appliquer des règles qui ne sont pas celles de la République», estime-t-il.

La difficulté d'application de la loi est également pointée du doigt par le 2e syndicat des gardiens de la paix, Alliance, qui précise que «les policiers ont des instructions extrêmements précises pour ces contrôles, car on sait pertinemment que pour certaines personnes, on a à faire à du militantisme religieux».

«Quand on contrôle quelqu'un qui a milité contre la loi, cela donne souvent lieu à des incidents», relève son secrétaire général adjoint Frédéric Lagache. 

Selon un état des lieux dressé en juin par l'Observatoire de la laïcité qui a recensé 705 contrôles depuis l'entrée en vigueur en avril 2011 de la loi, dont 423 de femmes entièrement voilées. La dissimulation du visage dans l'espace public constitue une infraction punie d'une amende pouvant aller jusqu'à 150 euros ou un stage de citoyenneté.