Les dérapages d'un bizutage dans l'armée condamnés à Marseille

JUSTICE Deux militaires ont été condamnés à quatre mois de prison avec sursis...

20 Minutes avec AFP
— 
Illustration armée française: Un militaire de la Légion étrangère.
Illustration armée française: Un militaire de la Légion étrangère. — NICOLAS JOSE/SIPA

Deux militaires ont été condamnés lundi par le tribunal  correctionnel de Marseille à quatre mois de prison avec sursis pour le  bizutage d'un ancien camarade, qui avait «un peu dérapé» a admis l'un  d'eux. Lundi un ex-soldat de la base aérienne d'Istres   (Bouches-du-Rhône), âgé de 26 ans, a raconté à la barre les brimades et   violences subies.

Des «faits insupportables et inadmissibles, humiliants et   dégradants», selon le procureur de la chambre militaire du tribunal   marseillais, Emmanuel Merlin, qui a requis un an d'emprisonnement avec   sursis contre Jérémy Colas et huit mois avec sursis contre Pierrick   Loiseleux. Les deux militaires aux bons états de service devront   également verser solidairement 800 euros à la victime au titre du   préjudice moral.

«On nous a dit de passer derrière le bar»

De tous les militaires présents à cette soirée de bizutage,  en  octobre 2009, «ces deux-là ont été les plus infects» envers Benjamin   Pisani, qui a eu «le malheur de redresser le tête», a dit M. Merlin   dans son réquisitoire. S'accrochant à la barre, l'ancien soldat avait  juste avant  raconté que le jour des faits, jeune sous-officier diplômé,  il était  venu prendre son poste à la base comme mécanicien avion. Il  est alors  convié au pot de départ d'un gradé. «On nous a dit de passer  derrière le bar», dit-il. «Très vite  on a été pris à partie avec mon  camarade», Morgan G., présent à  l'audience uniquement comme témoin. Ce  dernier, qui a quitté l'armée  depuis, est plus modéré dans ses propos.

La présidente, Lucie Chapuis-Bérard, poursuit: «Assez  rapidement, on  vous a attaché». «Oui, parce que je voulais m'en aller»,  répond-il.  «J'étais pas d'accord et je le disais». Pour les inciter à boire, «les  officiers disent  il faut vous  intégrer », raconte Benjamin Pisani,  d'origine lyonnaise. «Allez le  Gone, t'es pas un  pédé », ajoutent-ils.  «Je ne suis pas là pour qu'on me traite comme un chien,  j'obéis aux  ordres dans le cadre de mes heures de travail, c'est tout»,  dit le  jeune homme, précisant qu'il n'a pas l'habitude de consommer de   l'alcool.

«Après, la soirée a un peu dérapé»

Plus tard, la soirée se poursuit dans la chambre d'un  collègue, où  tous continuent à boire: «A un moment, vous vous retrouvez  avec un seau  et vous êtes chargés de le tenir pour qu'ils urinent  dedans», dit la  présidente. Il acquiesce. Après ces faits, «plus personne ne me parlait,  je voulais  m'en aller», raconte-t-il. Ce n'est que près de deux ans  plus tard qu'il  le fera, après avoir changé de service et fui l'armée.  Sa désertion lui  vaudra d'être condamné par le même tribunal à un mois  de prison avec  sursis le 21 mai 2012.

A son tour, Jérémy Colas témoigne avec hésitation, ce qui  irrite un  peu Mme Chapuis-Bérard. «Pour un jeune, il était trop grande  gueule,  c'est ça ?», lui demande la présidente. «Oui, je me souviens de  lui  avoir mis deux-trois calottes» parce que Pisani ne voulait plus  servir  les bières, répond-il, reconnaissant aussi l'avoir traité «de  petit  con». «Ce n'est pas de l'ordre de l'humiliation, mais de l'attitude   sévère», prétend-il, affirmant que les deux camarades ne «se   comportaient pas bien». «Vous êtes spécialiste des demi-mots», lui   rétorque la présidente.

A ses côtés, l'autre prévenu, Pierrick Loiseleux, reconnaît  avoir  «aidé à maintenir sans violence» Benjamin et son camarade, qui   n'étaient «pas trop d'accord». «Après, la soirée a un peu dérapé»,   admet-il. «On fait de la sémantique aujourd'hui», ironise la présidente.  Plaidant pour la partie civile, Me Isabelle Ansaldi, décrit  «un gamin  perturbé encore aujourd'hui qui a subi un préjudice physique,   psychologique et professionnel». L'avocate de Benjamin Pisani réplique :   «On lui a tout fait parce qu'il la ramenait». Elle conclut: «On nous  sert deux troufions pour essayer de  calmer ce dossier», évoquant deux  officiers «responsables» mais absents  et demandant que chacun des  prévenus verse 10.000 euros de dommages et  intérêts à son client.

Les avocates de la défense ont plaidé la relaxe. «Si un  supérieur  hiérarchique trouve que c'est normal, parle de  moment de  convivialité ,  comment voulez-vous que son subordonné ne trouve pas ça  normal aussi  ?», demande Me Roksana Naserzadeh.