Les dérapages d'un bizutage dans l'armée condamnés à Marseille
JUSTICE Deux militaires ont été condamnés à quatre mois de prison avec sursis...
Deux militaires ont été condamnés lundi par le tribunal correctionnel de Marseille à quatre mois de prison avec sursis pour le bizutage d'un ancien camarade, qui avait «un peu dérapé» a admis l'un d'eux. Lundi un ex-soldat de la base aérienne d'Istres (Bouches-du-Rhône), âgé de 26 ans, a raconté à la barre les brimades et violences subies.
Des «faits insupportables et inadmissibles, humiliants et dégradants», selon le procureur de la chambre militaire du tribunal marseillais, Emmanuel Merlin, qui a requis un an d'emprisonnement avec sursis contre Jérémy Colas et huit mois avec sursis contre Pierrick Loiseleux. Les deux militaires aux bons états de service devront également verser solidairement 800 euros à la victime au titre du préjudice moral.
«On nous a dit de passer derrière le bar»
De tous les militaires présents à cette soirée de bizutage, en octobre 2009, «ces deux-là ont été les plus infects» envers Benjamin Pisani, qui a eu «le malheur de redresser le tête», a dit M. Merlin dans son réquisitoire. S'accrochant à la barre, l'ancien soldat avait juste avant raconté que le jour des faits, jeune sous-officier diplômé, il était venu prendre son poste à la base comme mécanicien avion. Il est alors convié au pot de départ d'un gradé. «On nous a dit de passer derrière le bar», dit-il. «Très vite on a été pris à partie avec mon camarade», Morgan G., présent à l'audience uniquement comme témoin. Ce dernier, qui a quitté l'armée depuis, est plus modéré dans ses propos.
La présidente, Lucie Chapuis-Bérard, poursuit: «Assez rapidement, on vous a attaché». «Oui, parce que je voulais m'en aller», répond-il. «J'étais pas d'accord et je le disais». Pour les inciter à boire, «les officiers disent il faut vous intégrer », raconte Benjamin Pisani, d'origine lyonnaise. «Allez le Gone, t'es pas un pédé », ajoutent-ils. «Je ne suis pas là pour qu'on me traite comme un chien, j'obéis aux ordres dans le cadre de mes heures de travail, c'est tout», dit le jeune homme, précisant qu'il n'a pas l'habitude de consommer de l'alcool.
«Après, la soirée a un peu dérapé»
Plus tard, la soirée se poursuit dans la chambre d'un collègue, où tous continuent à boire: «A un moment, vous vous retrouvez avec un seau et vous êtes chargés de le tenir pour qu'ils urinent dedans», dit la présidente. Il acquiesce. Après ces faits, «plus personne ne me parlait, je voulais m'en aller», raconte-t-il. Ce n'est que près de deux ans plus tard qu'il le fera, après avoir changé de service et fui l'armée. Sa désertion lui vaudra d'être condamné par le même tribunal à un mois de prison avec sursis le 21 mai 2012.
A son tour, Jérémy Colas témoigne avec hésitation, ce qui irrite un peu Mme Chapuis-Bérard. «Pour un jeune, il était trop grande gueule, c'est ça ?», lui demande la présidente. «Oui, je me souviens de lui avoir mis deux-trois calottes» parce que Pisani ne voulait plus servir les bières, répond-il, reconnaissant aussi l'avoir traité «de petit con». «Ce n'est pas de l'ordre de l'humiliation, mais de l'attitude sévère», prétend-il, affirmant que les deux camarades ne «se comportaient pas bien». «Vous êtes spécialiste des demi-mots», lui rétorque la présidente.
A ses côtés, l'autre prévenu, Pierrick Loiseleux, reconnaît avoir «aidé à maintenir sans violence» Benjamin et son camarade, qui n'étaient «pas trop d'accord». «Après, la soirée a un peu dérapé», admet-il. «On fait de la sémantique aujourd'hui», ironise la présidente. Plaidant pour la partie civile, Me Isabelle Ansaldi, décrit «un gamin perturbé encore aujourd'hui qui a subi un préjudice physique, psychologique et professionnel». L'avocate de Benjamin Pisani réplique : «On lui a tout fait parce qu'il la ramenait». Elle conclut: «On nous sert deux troufions pour essayer de calmer ce dossier», évoquant deux officiers «responsables» mais absents et demandant que chacun des prévenus verse 10.000 euros de dommages et intérêts à son client.
Les avocates de la défense ont plaidé la relaxe. «Si un supérieur hiérarchique trouve que c'est normal, parle de moment de convivialité , comment voulez-vous que son subordonné ne trouve pas ça normal aussi ?», demande Me Roksana Naserzadeh.