«Mariage pour tous»: Pourquoi les opposants manifestent-ils encore?

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Lyon, le 5 mai 2013. Manifestation contre le mariage pour tous, ici Frigide Barjot.
Lyon, le 5 mai 2013. Manifestation contre le mariage pour tous, ici Frigide Barjot. — CYRIL VILLEMAIN/20 MINUTES

La loi a été promulguée samedi dernier mais ils ne désarment pas. Dimanche 26 mais, comme cela est prévu depuis des semaines, les opposants au «Mariage pour tous» défileront une nouvelle fois dans les rues de Paris. Politiques, activistes, militants ou simples citoyens, cinq acteurs de cette lutte racontent à 20 Minutes les raisons de leur obstination.

«Je ne crois pas que nous reviendrons sur cette loi si nous sommes élus en 2017»

Philippe Gosselin, député de la Manche et grand animateur des débats à l’Assemblée: «Malgré la promulgation de la loi, cela vaut toujours la peine d’aller manifester. D’abord pour faire entendre un cri: «Halte à la casse de la politique familiale!» Le gouvernement doit comprendre que nous ne sommes pas prêts à laisser passer, sans réagir, une réforme du droit de la famille, des allocations familiales, puis  la PMA, la GPA, le Gender… Plus largement, le message à envoyer à Hollande est  qu’il ne doit plus ouvrir de front sur les questions de société. Selon moi, c’est la dernière manif d’une série. Mais il pourra y avoir des piqûres de rappel car tout un peuple, pas forcément catho ou adhérent à l’UMP, s’est levé. Par contre, il ne faut pas manifester autour des premiers mariages et ne surtout pas prendre en otage des personnes qui ne sont pas responsables de la loi. Nous ne sommes pas en 1940.Il vaut mieux exprimer son mécontentement devant des bâtiments publics, des institutions… Mais je ne crois pas que nous reviendrons sur cette loi si nous sommes élus en 2017. Avec les questions de société, il y a un effet de cliquet et il est très difficile de revenir en arrière… La pilule, l’IVG, la peine de mort, le Pacs… Nous n’y avons pas touché. Nous avons même amélioré certaines choses.»

«Ce n’est pas parce que leur loi est légale qu’elle est légitime»

Rémi, 34 ans, citoyen qui a participé à toutes les manifestations: «Je vais y aller avec ma mère, ma femme, mes enfants. Nous devons montrer qu’ils ont voté la loi mais que nous ne lâcherons pas, que nous serons un bout de sparadrap accroché au gouvernement pendant des mois. Nous devons aussi mettre la pression à l’opposition, leur dire que les débats sont peut-être terminés à l’Assemblée mais qu’ils devront être responsables et s’engager à réécrire la loi. Je ne sais pas encore quelle forme pourra prendre la suite. Certains évoquent déjà un rassemblement annuel. Les déplacements des ministres devraient continuer à être perturbés. Ce n’est pas parce que leur loi est légale qu’elle est légitime.» 

«Il y a trop de groupuscules d’extrême droite qui me menacent»

Frigide Barjot, principale animatrice de la Manif pour tous: «Il faut que nous combattions encore le fondement de cette loi mais sûrement pas son application. Il ne doit absolument avoir aucune manifestation devant les premiers mariages mais nous devons  nous battre pour la liberté de conscience des maires qui n’ont pas été élus sous  l’empire de cette loi. Il faut que nous demandions à ce que les articles de la loi sur la filiation soit changés, à ce que le principe de l’adoption plénière soit reformé. L’opposition, et notamment tous les candidats aux municipales, devra  tenir compte de nos revendications. Nous déciderons en temps et en heure de la suite à donner au mouvement. Mais il y a eu trop de violence. Moi-même, je ne suis pas encore sûre de me rendre à la manif de dimanche. Je donnerai ma réponse vendredi matin. J’attends des réponses de la police et du ministère de l’Intérieur. Il faut que l’ordre public et la sécurité soient assurés pour tous les manifestants. Nous voulons manifester dans la paix et le calme et il y a trop de groupuscules d’extrême droite qui me menacent, moi et les manifestants.»

«Vous savez, nos vies ont été profondément bouleversées»

Hélène, 45 ans, mère de quatre et citoyenne qui a participé à toutes les manifestations: «Je mène trois vies depuis six mois. Nous accueillons les gens, la maison se transforme en hôtel encore le temps d’un week-end. Les socialistes et l’UMP doivent voir  que le mouvement n’est pas fini. Ce combat n’aura d’ailleurs pas de fin car il touche l’humain et sa liberté. Alors nous continuerons. Nous nous marierons à l’église et irons simplement signer le registre à la mairie, en jeans et t-shirts, nous en parlerons aux réunions de parents d’élèves à la rentrée, nous sanctionnerons les politiques, notamment de l’UMP, qui ne prendront pas en compte nos revendications. Vous savez, nos vies ont été profondément bouleversées. Ma fille a dû arrêter ses études. Lors de la manifestation du 13 janvier, elle a été prise en photo. Cette image a été publiée par de nombreux sites et magazines. Ses camarades de fac, un établissement à gauche et gangrené par la LGBT,  l’ont reconnue. Elle a gagné des centaines d’amis sur Facebook, enfin surtout des ennemis. Elle a été huée et insultée dans des amphis, plus personne ne voulait lui parler, on lui a renversé du café dans le coup. Il y a eu de la haine de leur côté. Depuis ma fille se reconstruit à la campagne en s’occupant de son neveu.»

«Oui, s’il ne se passe rien, nous serons prêts à rester sur place»

Béatrice Bourges, ancienne porte-parole de la Manif pour tous et personnage influent du Printemps français: «Cette manifestation ne doit pas être récupérée. Les gens vont se l’approprier, plus déterminés que jamais. Et on ne peut pas dire encore s’il n’y en aura plus d’autres.  Nous devons redonner de l’espoir à ceux qui l’ont perdu. Je crois qu’il est possible qu’il y ait encore plus de monde, peut-être moins d’enfants compte tenu de ce qu’il s’est passé la dernière fois, le 24 mars. Le gouvernement doit nous entendre. S’il ne se passe rien, nous serons prêts à rester sur place, un ou deux  jours s’il le faut. Le mot d’ordre est d’être transgressif sans être violents; pas comme ce gouvernement qui n’a écouté aucune de nos revendications. C’est une manif de résistance.»