«Salles de shoot»: Le dispositif est prêt mais attend le feu vert du gouvernement
SANTÉ 'association Gaïa est prêt à mettre en place sa salle de consommation de drogue à moindre risque, mais s'inquiète...
«On est fin prêts! Mais on est inquiets, car on ne sait toujours pas où et quand la salle de consommation à moindre risque sera mise en place. Malgré l’engagement du gouvernement [à l’automne dernier, ndlr], on n’a encore le feu vert ni le financement [seulement une subvention de 38.000 euros de la Ville de Paris votée en décembre dernier, ndlr]. On redoute que le projet soit mis en stand-by, notamment une fois que la campagne des municipales aura commencé!» Elisabeth Avril, la directrice de Gaïa, l’association qui aura en gestion la salle, s’impatiente. Son projet est bouclé : un lieu ouvert 7j/7, au moins 8 h/jour, avec une salle pour inhaler, une autre pour s’injecter.
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«Ça n’a rien d’extraordinaire, poursuit-elle! En Suisse ou au Canada, on fait cela depuis longtemps! S’injecter dans une salle propre, c’est limiter les malaises, les overdoses, les infections, c’est améliorer l’état de santé des usagers au jour le jour. Mais aussi leur sociabilité. Et ça ne donne pas l’envie aux gens de se droguer, comme le disent certains!» Gaïa s’occupe déjà du Centre d’accueil, d’accompagnement et de réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), une antenne mobile qui circule en plusieurs points stratégiques de Paris.
Pas d’injection possible
Ce lundi après-midi, le bus est stationné devant la gare du Nord, dans le 10e. Des dizaines de personnes viennent discuter, prendre conseil, échanger de manière anonyme et gratuite des seringues, montrer leurs veines. Un jeune homme accepte de réaliser sur place un test rapide de dépistage de l’hépatite C et du VIH. Cela faisait deux ans que les éducateurs lui proposaient. Ils essaieront aussi de lui trouver une semaine d’hébergement en hôtel.
Alban, 35 ans, dont plus de 20 ans d’addiction à la drogue dure est là aussi, comme régulièrement après le travail. Il fait ses «courses» (pour 35 euros par jour environ) dans la rue de Maubeuge: des gélules de Skénan, un sulfate de morphine qu’il achète sous le manteau et qu’il s’injecte. Il n’a que quelques mètres à faire pour récupérer des Stéribox, des kits comprenant du matériel d’injection stérile... Mais pas question pour lui comme pour les autres de s’injecter dans le bus du CAARUD, ce ne sera possible que dans la future salle de consommation à moindre risque.
200.000 seringues distribuées par an rue de Maubeuge
«J’ai essayé une fois en Suisse. C’est bien si on en a une à Paris. Ça évitera de faire ça dans les chiottes!», témoigne-t-il . «La salle pourra leur permettre de couper avec leur environnement, de mieux gérer leur consommation», explique Céline de Baulieu, de Gaïa. Les usagers ont tout de même quelques réticences, liées aux contraintes horaires et surtout à la présence des policiers. « Cela dépendra des ordres du ministère. Pour l’instant, ici, les policiers ne poursuivent guère les consommateurs. Il faut dire que certains n’ont même pas de chaussures!», poursuit Elisabeth Avril.
Sur les 2.200 usagers (différents) qui passent chaque année par le seul bus de la rue de Maubeuge et à qui Gaïa distribue 200.000 seringues, une grande partie sont des SDF et de grands précaires. C’est ce même public que Gaïa s’attend à recevoir dans la future salle de consommation à moindre risque. En attendant, «comme ils n’ont souvent pas accès à l’eau claire et au savon, on leur propose de se laver les mains dans le bus, ou au moins de se nettoyer avec des lingettes», raconte, pragmatique, Yaëlle Dauriol, éducatrice au CAARUD.